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Blog VOM : Géopolitique - Mondialisation - Société- Religions - Spiritualité - Actualité...
12 juin 2015

Articles (6)

 

Source: http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/

La négation de l'ego ne peut-elle pas conduire au désespoir des individus ?

Texte complet de la question
Necroyez vous pas que cette façon de considérer l'ego, en niant quasimentle moi, la personnalité, est dangereuse et peut être facteur dedéstabilisation et de désespoir pour les individus, donc à terme pourles sociétés ?
J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
S'ily a impermanence, notre devoir (au sens d'action de compassion)n'est-il pas de mettre un peu de stabilité dans tout cela ?
Réponse :
Votrequestion est bien pertinente et les occidentaux ne peuvent pas ne passe la poser, eux pour qui l'ego est le fondement du sujet, de saliberté et de son libre arbitre. Ce n'est pas l'ego en tant quecomposante de la personnalité qui est en cause, c'est la place centraledonnée à l'ego dans la perception que le sujet a de lui-même qui est encause. Le moi, la personnalité du sujet sont autant de composantes dusujet et sont aussi indispensables que nécessaires. Cette placecentrale, omniprésente, dominante, loin d'être alors une source deliberté, peut-être une source de souffrance (dukkha).Bien sûr l'ego est un élément important au plan émotionnel, aussi bienqu'intellectuel, mais le bouddhisme pense que l'attachement à l'ego estune erreur. Il n'est pas question de déstructurer le sujet, de ledéstabiliser, de l'affaiblir, au contraire.
Vousvoyez, le bouddhisme n'est pas un manichéisme, qui dirait dans unesorte d'opposition : "c'est le moi qui est responsable, donc il fautnier le moi, éradiquer le moi, supprimer le moi ". Si certains courantsde pensée tiennent peu ou prou ce discours, ce n'est absolument pas lediscours du bouddhisme. Le moi, est admirable, il est précieux, il estutile et nécessaire, il construit le sujet dans sa spécificité, il luiapporte son identité et le consolide. Il n'est évidemment pas questionni de le nier, ni de le réduire, ni de l'effacer. Mais, le moi, n'estqu'un reflet, qu'une dimension mentale qui remplit une fonction bienprécise. Mais, le moi, n'a pas la toute puissance qu'on lui prête, lemoi n'a pas la durabilité qu'on lui attribue, le moi n'a pasl'omniprésence que l'on croit. Non, le moi est aussi illusoire,impermanent, conditionné. Le moi est nécessaire, utile, estimable, maisil a aussi les qualités de l'éphémère et du transitoire. Ce n'est pasune faiblesse de le reconnaître, c'est, pensent les Asiatiques, uneforce que de le savoir et de l'interpréter de cette manière.
Lebouddhisme ne nie pas le moi, le bouddhisme ne nie pas l'ego, lebouddhisme ne nie pas le corps. Si vous niez ces éléments (comme lefont certains autres courants de pensée qui considèrent que le corpsest porteur de choses mauvaises), alors vous arrivez inévitablement auxextrémités que vous évoquez. Le bouddhisme, et c'est sans doute làl'une de ses nombreuses originalités, ne nie pas les réalités. Pour lebouddhisme, le corps existe, les pulsions existent, l'ego existe, lemoi existe. Et pour le bouddhisme ces constituants ne sont ni bons, nimauvais. Le bouddhisme tend simplement à la connaissance parfaite desmécanismes qui nous gouvernent, pour que justement leurs emprisessoient moins fortes et que notre compréhension de ces phénomènes nouspermette de nous en libérer et d'échapper à la souffrance (lebouddhisme préfère le terme dukkha) qui résulte habituellement de nos émotions, de nos réactions, de nos inclinations …
Ils'agit ainsi de considérer l'ego et le moi pour ce qu'ils sont. C'estla découverte de la nature particulière du moi (qui est à la foisstructurant et limité) qui est facteur de tranquillité et de stabilité.C'est la découverte du caractère illusoire et trompeur des qualitéssupposées du moi qui sont facteurs de force personnelle. Au contraire,la négation de ces réalités ou bien la croyance en des qualités que lemoi, l'ego, le sujet, le corps n'ont pas, sont facteurs de souffrance (dukkha).C'est l'inobtention de ce qui est désiré qui est facteur de désespoir,c'est le fait de se trouver avec des personnes avec lesquelles on n'aaucune affinité qui est facteur de désespoir, c'est le fait d'êtreéloigné de personnes avec qui ont à des affinités profondes qui estfacteur de désespoir, c'est le fait de vieillir, de sentir son corpss'affaiblir, de lire sur ses traits la marque dure des années qui estfacteur de désespoir … (revoyez donc l'exposé de la première des quatre nobles vérités).
Lasociété de consommation actuelle développe à son maximum lasatisfaction immédiate des besoins et des désirs individuels. Elle vabien au delà, elle va jusqu'à les provoquer, les susciter, lesencourager par un renouvellement perpétuel des produits, des marques,des objets, toutes choses qui stimulent l'individualisme dans ce qu'ila de plus primaire, c'est à dire l'appropriation personnelle. Cettedimension d'appropriation n'est pas forcément structurante et engendreune véritable aliénation au besoin d'acheter, de posséder, d'avoir (jene parle même pas du gaspillage général que tout cela engendre et quiposent d'autres questions en termes écologiques, notamment). Il n'estqu'à voir le manque de politesse et de civilité quand on se promènedans un supermarché ou dans les grands magasins aux heures de pointes,je ne parle pas de ces images choquantes où les gens se battent pours'arracher une Play Station dernier cri. Trouvez-vous tout celaexemplaire en terme de société ? Trouvez-vous que la notion de sociétéa ici encore un sens ? Il n'est qu'à voir la précipitation de pansentiers de cette société dont vous parlez qui se ruent pour faire destocks de denrées au moment de la guerre du Golfe ou des événements duKosovo. Ne trouvez-vous pas que le "chacun pour soi" déjà latent, prendalors des proportions démesurées et renvoie une image de la sociétébien hideuse. N'êtes vous pas surpris que dès que des incidents seproduisent (privation d'électricité suite à la tempête de décembre1999, par exemple) les gens se montrent totalement incapables des'éclairer à la bougie, de se chauffer au bois, de se priver detélévision plus d'une journée … et se mettent à pousser deslamentations pires que celles des mères du golfe du Bengale après lesmoussons, ou celles des paysans birmans en but à la sécheresse ? Necroyez-vous pas que cette satisfaction tout azimut de l'ego conduit nossociétés vers des dangers aussi grands que ceux que vous évoquez dansvotre question ?
Iln'y a pas de devoirs dans le bouddhisme. En particulier, il n'y a pasde devoirs que certains seraient censés endosser pour les autres. Leseul devoir, il est vis-à-vis de vous-même et il consiste à accroîtrevotre connaissance des mécanismes naturels à l'œuvre dans le sujet. Laquestion de la compassion que vous esquissez est plus complexe etdevrait être exposée plus en détail. En fait, personne ne demande àpersonne de la compassion, le bouddhisme n'investit personne d'unequelconque mission de compassion envers qui que ce soit.
L'impermanenceest une donnée fondamentale du bouddhisme qui est issue del'observation stricte du vivant. Dans le monde vivant, non seulementtout est conditionné (composé d'éléments, c'est la loi des cinq agrégats),mais aussi, et par le fait même, tout est impermanent. Dans le vivant,il y a naissance, croissance, décroissance, fin et disparition. C'estune loi générale, elle n'est ni bonne, ni mauvaise, ni favorable, nidéfavorable, elle est et c'est tout.

J'espère avoir répondu à votre question.

 

La réincarnation
Lama Thubten Yeshé répond aux questions concernant la réincarnation
SUR LA REINCARNATION (questions-réponses)
Lama Thubten Yeshé
Q: J’aime votre manière d’insister sur l’importance de la compréhensionpar rapport à la croyance, mais je trouve qu’il est difficile des’avoir comment une personne élevée en Occident ou qui a eu uneéducation scientifique peut comprendre le concept de la réincarnation :le fait qu ’il y a eu des vies passées et qu’il y aura des vie futures.Comment pouvez-vous prouver qu’elles existent ?
LamaThubten Yeshe : Si vous êtes capables de réaliser la continuité devotre esprit, à partir du moment où vous étiez un minuscule embryondans la matrice de votre mère jusqu’au moment présent, alors vouspourrez com-prendre. La continuité de votre énergie mentale est un peusimilaire au courant électrique provenant d’un générateur et passantpar des fils électriques jusqu’à ce qu’il éclaire une lampe. Depuis lemoment de sa conception, alors que votre corps évolue, l’énergiementale y circule constamment -changeante, changeante, changeante- etsi vous arrivez à en prendre conscience, vous pourrez plus facilementcomprendre la continuité antérieure de votre esprit. Comme je le dissans cesse, ce n’est jamais simplement une question de croyance. Biensûr, initialement il est difficile d’accepter l’idée de laréincarna-tion car de nos jours c’est un concept tellement nouveau pourla plupart des gens, particulièrement ceux élevés en Occident. L’on nevous enseigne pas la continuité de la conscience à l’école ; vousn’étudiez pas la nature de l’esprit (qui vous êtes, ce que vous êtes)au collège. Donc bien sûr, tout cela est nouveau pour vous. Mais sivous pensez qu’il est important de savoir qui vous êtes et ce que vousêtes et que vous observez attentivement votre esprit par la méditation,vous en arriverez facilement à comprendre la différence entre votrecorps et votre esprit. Vous reconnaîtrez la continuité de votreconscience et, à partir de là, vous serez capables de prendreconscience de vos vies antérieures. Il n’est pas nécessaire d’accepterle concept de la réincarnation uniquement sur la base de la foi.
Question : Puisque le bouddhisme croit en la réincarnation, pouvez-vous me dire combien de temps il se passe entre les vies ?
LamaThubten Yeshe : Cela peut aller de quelques instants à sept semaines.Au moment où la conscience se sépare du corps, le corps subtil de l’état inter-médiaire est déjà là, à l’ attendre. Par la force du désirpour un autre corps physique, l’ être de l’ état intermédiaire chercheune forme appropriée et lorsqu’il en trouve une, il prend renaissance.
Question: Comment le bouddhisme explique-t-il l’explosion de la population ? Sivous croyez à la réincarnation, comment se fait-il que la population s’accroisse sans cesse ?
LamaThubten Yeshe : C ’ est simple. Tout comme la science moderne, lebouddhisme parle de l’ existence de milliards et de milliards degalaxies. La conscience d’une personne née sur la terre a pu venird’une galaxie très lointaine, attirée par la force du karma quiconnecte l’ énergie mentale de cette personne à cette planète. D’unautre côté, la conscience d’une personne mourante sur cette terre, peutau moment de la mort être karmiquement dirigée vers la renaissance dansune autre galaxie, éloignée d’ici. Si davantage d’esprits sont attirésvers la terre, la population s’accroît ; s’il y en a moins, elledécline. Cela ne veut pas dire que des esprits entièrement nouveauxviennent à l’ existence. En accord avec la nature cyclique de l’existence mondaine, chaque esprit prenant renaissance ici, sur laterre, provient de sa vie précédente ; peut-être dans une autregalaxie, peut-être sur la terre elle-même, mais pas de nulle part.
Cetexte est extrait du premier chapitre de “Devenir son PropreThérapeute”, un ouvrage publié par les Editions VAJRA YOYINI, Châteaud’En-Clauzade81500 MARZENS

 

Le bouddhisme possède-t-il un livre sacré ?

source:http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/

 

Texte complet de la question
Est-ce que vous pouvez me dire si le bouddhisme possède un livre sacré ?
Réponse :
Non, il n'y a pas de livre sacré de cette nature.
Pendantdes années, voire pendant plusieurs générations après la disparition dubouddha historique et y compris durant son temps, l'unique mode detransmission était la parole.
Ensuite, la parole historique du bouddha a été transcrite pour pouvoir être diffusée et enseignée.
EnInde, l'expression verbale a toujours été agrémentée d'expressionspoétiques ou lyriques, indissociables du contenu du discours. C'estcette musicalité particulière que l'on retrouve dans les discours.Cette expression connaît son équivalent dans la littérature avec legatha que l'on peut transcrire par "vers". Des vers compilés pourillustrer et soutenir la méditation sont appelés doha ou "couplet".
Onraconte, que lors du premier rassemblement des disciples du bouddhahistorique, qui se serait tenu dans la grotte des sept feuilles, Anandaet Upali, interrogés sur le contenu des discours du bouddha, étaientcapables de réciter par cœur les propos tenus par Siddhattha Gotama.Les versions présentées étaient ensuite confortées par la déclamationcollective des cinq cent bonzes disciples directs du bouddhahistorique. C'est probablement ainsi que les premiers sutta (sutra ensanskrit) furent élaborés et retranscrits.
Encorede nos jours, nous ne connaissons de certains grands maîtres que latrace orale de leurs grands discours ou de leurs commentaires sur lessutta les plus importants du bouddhisme. C'est le cas notamment dans latradition Thaï et Birmane, où les maîtres ne rédigent pas des écritsmais prononcent des discours qui sont ensuite retranscrits par desadeptes proches.
Vous trouverez l'exposé de toutes ces transcriptions sur la page "Les textes canoniques en pâli" (http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/textbdt.html)
Vous trouverez la liste des sutta proposés sur ce site à la page "Choix de sutta" (http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/indsut.html)
J'espère avoir répondu à votre question.


Source; http://www.buddhaline.net/annuairedubouddhisme/tibet_verite.html
Les quatre ignobles vérités
du bouddhisme tibétain
Un article de Tenzin Wangyal, 
ancien élève du Tibetan Children Village, Tenzin vit actuellement aux Etats-Unis. 
Il fait parti de l'équipe de direction de l'association Students for a Free Tibet.
(02/01/2006).
Sile Bouddha avait vécu à notre époque, il aurait simplement écrit unguide de poche intitulé «Comment mettre fin à la souffrance». Ill'aurait écrit en langue vernaculaire et l'aurait fait traduire dansdiverses langues. 
Jepense que le Bouddha Sakyamouni s'intéressait principalement à lasouffrance. Se basant sur son observation de la condition humaine, il atransmis l'essence de sa sagesse avec les quatre nobles vérités, quel'on peut résumer ainsi : cette vie est souffrance; le désir est lacause de la souffrance; la cause de la souffrance peut être déracinée;ceci peut être accompli en suivant l'octuple sentier.
C'estvrai que nos ancêtres ont su préserver les enseignements du Bouddha.Selon la plupart des Tibétains, et même d'après le Dalaï Lama, c'est«la seule chose dont nous puissions être fiers». Cependant il estimportant de connaître les agents de conservation employés pourpréserver le bouddhisme tibétain, ce qui lui donne sa saveurparticulière. 
Selonles études faites à ce sujet, le bouddhisme tibétain est unecombinaison de trois traditions religieuses distinctes : le dharmadivin (lha chos) ou bouddhisme; le dharma bön (bon chos) ou traditionreligieuse indigène du Tibet caractérisée par des rituels chamanisteset animistes menés par des prêtres; et le dharma des êtres humains (michos) ou religion populaire.
Unjour, un homme fit ses adieux à sa femme. Il s'embarquait pour un longvoyage et ne savait quand il reviendrait. Quelques mois plus tard, safemme donna naissance à un garçon. Cinq ans passèrent, l'homme revintet sa femme lui présenta le petit garçon comme étant son fils. Malgréleurs visages sincères, l'homme hésitait à la croire, l'enfant luiressemblait certes, mais ses manières étaient très différentes dessiennes. Tant de choses avaient changé en son absence ... 
Dela même manière, imaginez que le Bouddha revienne aujourd'hui. Queva-t-il penser de la piété avec laquelle nous tournons des moulins àprières, faisons des circumambulations, des prosternations, récitonsdes textes, chantons des mantras ou accomplissons des rituels ?Sera-t-il impressionné ou sourira-t-il dans son désaccord plein decompassion ? Sera-t-il comme l'homme de l'histoire, ne reconnaissantpas le bouddhisme tibétain comme représentatif de ses enseignements ?
Lareligion est définie comme «ensemble de croyances, de valeurs et depratiques basées sur l'enseignement d'un maître spirituel» (TheAmerican Heritage Dictionnary). Cependant, lorsqu'on se penche sur lebouddhisme tibétain, il est bon de ne pas seulement considérerl'enseignement du Bouddha, mais aussi les croyances et pratiquesactuelles de ses affiliés et pratiquants. 
Jevais mettre brièvement en lumière quatre problèmes qui minent lebouddhisme tibétain tel que nous le pratiquons aujourd'hui. M'appuyantsur le Bouddha, je vais tenter modestement d'identifier la nature desproblèmes, leurs causes, leurs buts réalisables et le chemin.
Superstition
Jene suggère pas que la superstition soit spécifique aux Tibétains, maisl'abondance de telles croyances, la majorité écrasante de Tibétains quiadhèrent à certaines de ces superstitions et l'influence importante,voir le contrôle, que cela exerce sur leurs vies donne sens au proverbe«la superstition est enfant de l'ignorance et mère de la misère». 
Pardéfinition, les superstitions sont des croyances, des pratiques ou desrites qui perdurent irrationellement par ignorance des lois de lanature ou par foi dans la magie ou la chance. 
D'aprèsles superstitieux de notre communauté, siffler la nuit est un appel auxfantômes et autres esprits malins; il faut légèrement cracher sur lesvêtements d'occasion avant de les mettre; on peut faire disparaitre uneverrue en faisant semblant de l'enlever avec un balai le quinzième jourdu mois lunaire; le bruit du tonnerre est toujours un rugissement dedragon; partir en voyage un samedi est de mauvaise augure; et ainsi desuite. 
Sans oublier lemonde de l'interprétation des rêves. Au lieu de mettre cessuperstitions en doute, comme l'aurait certainement fait le Bouddha, unpratiquant du bouddhisme tibétain (même si c'est un maître endialectique empirique) ne va pas seulement reconnaître la validité deces croyances irrationnelles ou de cette religion populaire, mais vaégalement, dans de nombreux cas, justifier ces croyances en s'appuyantsur le bouddhisme et conseiller la meilleure marche à suivre. 
Croireaux superstitions résulte de l'ignorance et de la peur de l'inconnu. Ilest intéressant d'observer qu'en nombre de circonstances beaucoup deTibétains obéissent aux dictats des superstitions tant qu'ils sontconscients de ce qui les effraient - or quelles lugubres conséquencesvont bien pouvoir s'abattre sur eux quand ils ne s'en soucieront plus ?
Ilest clair que l'antidote à une superstition n'est pas une autresuperstition, comme nos créatifs ancêtres le proposaient (par exemple,si vous aviez été obligé de partir en voyage un jour de mauvais augure,comme un samedi, ils auraient conseillé de faire semblant de partir lejour d'avant, en prenant vos bagages et en partant avec quelqu'un,avant de revenir à la maison et de refaire la même chose le joursuivant cette fois-ci pour de vrai; ce qui était censé tromper lasuperstition elle-même). 
Celane fera que créer un cercle vicieux (similaire à proférer un mensongepour couvrir un autre mensonge) et entrainer plus avant la personnedans l'abîme sans fond de la superstition. 
Jecrois que le remède, c'est l'éducation - par exemple, les Tibétainsinstruits (jeunes élèves des écoles inclus) devraient parler patiemmentà leurs parents et grand-parents des explications alternatives etscientifiques aux phénomènes que leurs aînés attribuent à des pouvoirssurnaturels. Les organisations tibétaines locales devraient organiserdes sessions d'information ou d'éducation où seraient engagées desdiscussions sur le non-sens des superstitions - c'est seulement decette manière que nous pourrons nous extirper de cet esprit séculaireétriqué.
2) Rituels
Lebouddhisme tel qu'il a été enseigné par le Bouddha était une révolte oudisons plus modérément, visait à se démarquer du ritualismebrahmanique. Le ritualisme qui est devenu la caractéristique dubouddhisme tibétain est un leg de l'ancienne religion du Tibet, le Bön,qui a précédé l'introduction du bouddhisme.
La plupart des Tibétains ne se rendent pas compte que des éléments dereligion bön se sont mêlés à nos coutumes et modes de pensée. Lesquatre étapes de l'oracle, l'astrologie, le rituel et l'action sontsuivis à chaque évènement important.
Divers rituels comme accrocher des drapeaux à prières, les rituels derachat (glud), les funérailles célestes, les rituels de "rappel del'esprit", la divination (mo), et les rituels utilisant des morceaux decorps humain, comme des crânes ou des fémurs, ne sont clairement pasbouddhistes mais sont des survivances de pratiques bön. De tels rituelschamaniques pré-bouddhistes ont perduré parce qu'ils visent desbénéfices mondains et pragmatiques et non la libération finale aubénéfice de tous les êtres comme ceux du bouddhisme.
Lorsque le bouddhisme a été introduit au Tibet, les bouddhistes(tantriques) guidés par Padmasambhava ont adopté certaines croyances etrituels bön comme la dépendance aux oracles, à l'astrologie et lepanthéisme (il a été donné une interprétation bouddhiste à de nombreuxmythes bön). Les déités bön ont été déclarées mineures par rapport auxdéités bouddhistes. Au lieu d'être laissées de côté, les croyances etpratiques bön ont été absorbées par le bouddhisme. Au fil des ans,l'inertie cuturelle, l'auto-satisfaction et l'aveuglement par rapportaux enseignements originels du Bouddha ont maintenu un status quo.
Jerecommanderai aux Tibétains qui restent attachés à ces rituels de n'yavoir recours qu'en seconde possibilité. Par exemple, ne pas croire queles maladies sont le fait de la colère des nagas (lu) ou d'autresesprits, mais tirer parti des diagnostics et des traitements de lamédecine moderne, et si ceux-ci ne sont pas efficaces, alors seulementfaire appel aux rituels. De nos jours, les Tibétains qui ont reçu uneéducation sont sceptiques quand à la logique et à l'efficacité desrituels (le scepticisme est considéré par les dévots comme logta ouattitude erronée) et ne sont effrayé ou honteux de l'admettre. 
Certainsjeunes Tibétains se demandent s'ils peuvent se définir commebouddhistes tibétains ou plutôt comme agnostiques. Je sens que lenavire du bouddhisme tibétain est alourdi par les rituels (et lessuperstitions) et que nous avons besoin de le délester de cettecargaison indésirable. Je pense qu'il est important que nous étudionsl'essence du bouddhisme, ce que le Bouddha historique a réellementenseigné, afin d'avoir une approche plus profonde du bouddhisme et decomprendre pourquoi ne ne devons pas permettre aux rituels de laremplacer.
3) Le troisième refuge
Lacommunauté monastique ou sangha constitue le troisième refuge, après leBouddha et le dharma. Dans le canon bouddhiste, le Tripitaka, lesmembres de la sangha sont définis comme "méritant les dons,l'hospitalité, les offrandes et les salutations respectueuses, et étantdes champs de mérites insurpassables dans le monde", ce qui en essencesignifie que tel des modèles lorsqu'il s'agit de pratiquer le dharma,les moines se doivent d'incarner les vertus bouddhistes. 
Jereconnaîs qu'il y a nombre de bons moines vivant selon leurs voeuxmonastiques. Cependant, il est difficile de fermer les yeux sur lecomportement de certains qui laisse penser qu'ils n'ont jamaissérieusement renoncé à la vie laïque lorsqu'ils ont été ordonnésnovices. 
Sa Sainteté aavancé que nos monastères n'avaient pas été capables de préserver latradition bouddhiste aussi efficacement que les grands érudits indiensde l'université de Nalanda, et a indiqué de manière répétée auxcommunautés monastiques de ne pas se focaliser sur la construction d'unmonastère plus grand, ou l'augmentation du nombre de moines et denonnes, mais de s'engager plus entièrement dans l'étude et la pratiquedu dharma. 
Il y aaussi ces moines qui rendent leurs voeux en devenant adulte. Ils sontinjustement exposés à une stigmatisation sociale, et étiqueté commedralogs. Je trouve qu'ils ne devraient pas être qualifiés par ce termepéjoratif, mais plutôt appellés drasurs (ancien moine). Après tout, cen'est pas complètement leur faute. Bien que la situation ne soit plusexactement la même que dans le Tibet d'avant 1950 où presque chaquefamille envoyait un enfant au monastère, il y a encore beaucoup defamilles qui «donnent leur progéniture au dharma» pour des raisonspragmatiquement financière, parce qu'ils croient faire un cadeau à leurenfant ou parce qu'ils pensent qu'avoir un membre de la famille dans unmonastère contrebalancera le karma négatif que le reste de la familleaccumule. 
La source duproblème semble venir du fait que la majorité des moines et nonnes sontadmis au monastère sur impulsion de leurs parents et non pas sur leurvolonté.
Je suis certainque le Bouddha n'aurait accepté que ceux qui ont un certain degré deconviction et sont capables de renoncer à la vie laïque pour rejoindrela sangha ou la communauté monastique. Nous ne devrions pas nous enremettre aux membres de la communauté monastique pour agir enbouddhistes et invoquer la grâce salvatrice du Bouddha et des déités,mais nous rappeler ce que le Bouddha a dit avant de mourir - "Je ne peux enseigner que le chemin, vous devrez le parcourir par vous-même".Rappelez-vous également les mots du Bouddha à Kisogotami, dont lepremier-né était mort et qui venait le voir dans l'espoir d'un miracle.Il est clair que nous devrons récolter nous-même ce que nous avonssemé, et nous seuls pouvons défaire ce que nous avons fait (quand c'estpossible), personne ne peut intervenir sur notre comportement. Nousdevrions être des lampes pour nous-même, comme le Bouddha l'a indiqué.
4) Les célébrités
Nombrede nos tulkus (lamas réincarnés) sont capables de faire ce queSiddhartha Gautama (le bouddha historique) était incapable de faire -ils concilient très facilement leurs vies de luxe et de privilèges avecla pauvreté et la souffrance visibles hors des murs de leurs palaces.
En fait, beaucoup préfèrent s'isoler eux-mêmes en restant dans leurscocons confortables. Une fois reconnu, un jeune tulku hérite d'unlabrang, ou domaine, consistant en propriétés, serviteurs et trésor. Ilpeut gaspiller ces ressources ou bien utiliser son aura religieusecharismatique pour générer une grandeur personnelle et amasser toujoursplus de pouvoir mondain. 
Beaucoupde Tibétains perçoivent les tulkus comme des marchands de bouddhismetibétain entreprenants, tels ceux qui savent vous convaincre que lediamant que vous tenez dans la main est un morceau de verre, que vouspouvez le jeter, et qui, une fois que vous avez tourné le dos, leramassent, le nettoient et le mettent dans leur poche.
Quoiqu'ilen soit, la richesse matérielle d'un tulku n'est rien comparée aupouvoir qu'il détient par la vertu de l'amour et de la fidélité de sesadeptes. Pensez à cela, les tulkus sont nos célébrités - nous lesarrosons d'argent, de dons, d'amour et d'adoration inconditionnels,oui, INCONDITIONNELS. 
Jeveux dire par là, que si jamais un tulku rejetait l'identité liée à sonincarnation, il resterait un tulku aux yeux du Tibétain lambda - soncomportement farfelu ne ferait qu'inspirer à ses partisans toutessortes de rationalisations mystiques visant à défendre leur adorationsans réserve, la plus commune étant «lamai zepa yindro !» (expressionpopulaire utilisée quand un lama a un comportement bizarre ou choquant,sous-entendant que le lama doit avoir une raison d'agir qui est au-delàde notre compréhension). 
Enbref, les tulkus ont toujours le bénéfice du doute. Les tulkusindisciplinés sont comme des garnements pourris-gâtés qui savent qu'ilspeuvent compter sur l'amour inconditionnel de leurs parents éperdusd'adoration et vont l'exploiter. SaSainteté s'est exprimée de façon appropriée concernant la proliférationdes tulkus, conseillant aux Tibétains «d'examiner la personne demanière approfondie avant de l'accepter comme guru, et même ensuite desuivre cet enseignant à la lumière de la raison».
Commenous l'a demandé Sa Sainteté, notre foi aveugle dans les tulkus devraitêtre remplacée par l'utilisation du discernement. De cette manièrepourrait passer le message selon lequel nous, Tibétains, ne cautionnonspas le comportement décadent ou incorrect des tulkus, que leur rôle estd'être des représentants des vertus bouddhistes et d'agir en accordavec elles. 
Parailleurs, le processus de sélection d'un tulku présentant desopportunités de gain personnel et étant cause de conflits, scandales etintrigues politiques (ce que les Chinois ont très bien compris),peut-être devrions-nous arrêter de chercher activement desréincarnations (à moins que le lama décédé n'ait été capable de laisserdes signes sans ambiguité sur le lieu de sa renaissance). 
Aprèstout, si l'affaire est juste, elles surmonteront tous les obstaclespour tracer leur chemin et par leurs mérites indéniables, s'élèverontjusqu'à leur position originelle ou peut-être plus haut - comme nousdisons en tibétain - L'or, même s'il est enfoui sous la terre rayonnerade mille feux dans le ciel. Encore mieux, pourquoi ne pas avoir uneméritocratie dans les monastères ? Elle serait similaire à la sélectiondu poste de Ganden Tripa à propos de laquelle il est dit " Si l'enfantd'une mère a la connaissance/sagesse, alors il n'existe pas depropriétaire pour le trône de Ganden", ce qui signifie que n'importequel moine ordinaire, intelligent et faisant des efforts, pourraitdevenir le prochain Ganden Tripa.
Encore une fois, je reconnais comme nombre d'entre vous, qu'il y abeaucoup de tulkus et de lamas qui sont conscients que leur positionimplique des responsabilités envers leur sangha et la population engénéral, et qui mènent leur vie en accord avec les vertus qu'on attendd'eux, les renvoyant ainsi à leurs communautés. Ces tulkus, par leurréputation sans taches, leur accord avec le vinaya et leurs actionsphilantropiques renforcent la sympathie de leurs adeptes et attirentles bouddhistes tibétains les plus perspicaces.
Jepense qu'à cause de notre mentalité, nous Tibétains (en exil) vivonttoujours sous un certain degré de théocratie (une forme de gouvernementdans laquelle religion et politique sont entremêlés) ou de loiscléricales, même après que Sa Sainteté nous ai donné la démocratie.
Bien que nous nous émancipions mentalement, quand se présente un choix,nous prenons toujours le tulku ou le rinpoché (plutôt que n'importequel candidat laïc de valeur égale ou mieux qualifié) pour nous guider,ce qui est susceptible d'entretenir la naturefactionnelle/sectaire/provinciale de la religion et de la politiquetibétaines. 
Lasolution ne consiste pas simplement à établir que la religion et lapolitique doivent être séparées (sur le papier, c'est déjà fait) - maisil faut que nous, Tibétains, nous affranchissions de nos carcansmentaux séculaires, de notre foi aveugle et de nos préjugés et que nousprenions des décisions basées sur l'objectivité et la raison, comme leBouddha lui-même aurait aimé que nous le fassions.
En guise de conclusion
Laissez-moivous quitter sur ces mots de Sa Sainteté (extrait d'un discours donné àSan Francisco en novembre 2005) : «Pour devenir des bouddhistes du21ème siècle, les individus ne devraient pas seulement accomplir lesactes physiques et verbaux de leur religion, comme chanter des mantraset se prosterner, mais aussi réfléchir activement à ce que signifieêtre bouddhiste dans le monde d'aujourd'hui. L'effort pour transformerson esprit est plus important, mais plus difficile.»

 

Les six mondes.

Les sixsegments qui forment le troisième cercle de la Roue de la Vie peuventêtre vus comme six mondes, six véritables royaumes d’existence : lesroyaumes des dieux, des titans, des esprits affamés, des êtres enenfer, des animaux et des humains. Les êtres vivants renaissent dans unroyaume particulier en résultat de leur karma, et vivent dans ceroyaume jusqu’à ce que leur karma soit épuisé. C’est très vrai, mais cen’est que la moitié de la vérité. Les six segments du troisième cerclereprésentent aussi six états d’esprit dont nous pouvons fairel’expérience ici et maintenant, durant notre présente existencehumaine. Parfois, nous faisons si fort l’expérience de ces étatsd’esprit que pour un moment nous semblons vraiment vivre dans un autremonde : au ciel, ou en enfer, ou parmi les esprits affamés, etc. End’autres termes, nous en faisons presque l’expérience en tant qu’étatd’être plutôt qu’en tant qu’état d’esprit. Regardons donc chacun de cesmondes sous cette lumière : en tant qu’états d’être ou d’esprit, plutôtqu’en tant que royaumes d’existence.
Tout d’abord, le monde desdieux. Le monde des dieux représente un état d’esprit heureux,plaisant, un état de relaxation, de contentement, de repos. C’est unétat dans lequel tout se passe très bien, un état dans lequel il n’y ani obstacle, ni difficulté, ni problème. C’est aussi un étatd’expérience esthétique. C’est même l’état de méditation, dans le senslimité du terme (la méditation en tant qu’expérience d’états deconscience élevés, mais ne donnant pas d’accès direct auTranscendantal).
Deuxièmement, le monde des asuras, ou titans.C’est un état d’esprit agressif, compétitif. Il y a là beaucoupd’énergie, peut-être trop d’énergie, entièrement tournée versl’extérieur. Il y a de l’agitation, de la suspicion, de la jalousie.Dans la Roue de la Vie, les asuras sont représentés en lutte contre lesdieux pour la possession de l’arbre-qui-exauce-les-souhaits. Cet étatd’esprit est donc celui qui court sans fin après la richessematérielle, qui court, si l’on peut dire, après un niveau de vietoujours plus élevé, après un salaire toujours plus élevé, et ainsi desuite. C’est un état d’égoïsme sûr de soi : on veut toujours êtremeilleur que les autres, ou d’une façon ou d’une autre être supérieuraux autres. C’est un état dans lequel on veut même contrôler lesautres, exercer un pouvoir sur les autres, les dominer.
Troisièmement,le monde des pretas, ou esprits affamés. C’est l’état de désirnévrotique. Le désir est névrotique lorsqu’il attend d’un objet, soitplus que ce que par sa nature l’objet peut apporter, soit, même,quelque chose de très différent de ce que l’objet peut apporter.Prenons l’exemple du désir névrotique de nourriture. Les gens, parfois,avalent de grandes quantités de nourriture, généralement sucrée. Trèssouvent, ce n’est pas réellement de la nourriture qu’ils veulent. Ilsveulent quelque chose d’autre. La nourriture, dans ce cas, est unsubstitut pour quelque chose d’autre. Les psychologues nous disent queles gens qui consomment sans nécessité de grandes quantités denourriture pour des raisons psychologiques ont en réalité besoind’affection. Le désir névrotique est très souvent présent dans lesrelations personnelles, et en particulier dans les relationspersonnelles les plus intimes. Dans quelques cas, il y est tellementprésent que la relation ressemble à celle d’un esprit affamé essayantd’en dévorer un autre.
Quatrièmement, le monde des êtrestourmentés, des êtres en enfer. C’est l’état de souffrance mentaleaiguë, de frustration nerveuse, de dépression nerveuse. De façon ultimec’est même l’état de folie. Cet état d’esprit naît de diversesmanières. Il peut, par exemple, être causé par une frustration longueet continue d’impulsions humaines naturelles, ou par un deuil soudainet inattendu, ou par des conflits mentaux inconscients. Quelle qu’ensoit la cause particulière, il aboutit à un état de souffrance mentaleintense. C’est l’état représenté par les êtres en enfer.
Cinquièmement,le monde des animaux. C’est l’état de complaisance dans des plaisirspurement sensuels. Dans cet état on n’est intéressé que par lanourriture, le sexe et le simple confort matériel. Quand nos propresdésirs pour ces choses sont satisfaits, on est assez gentil, assezdocile même, mais quand ils sont frustrés on devient dangereux, commeun animal sauvage.
Sixièmement, le monde des hommes. C’estl’état de conscience spécifiquement humain. Cet état de consciencen’est ni extatique ni tourmenté, ni férocement compétitif ni bêtementsensuel, ni non plus plein de désir névrotique. Dans cet état noussommes conscient de nous-mêmes et des autres. Dans cet état noussatisfaisons de façon raisonnable les besoins objectifs humains, touten sachant qu’ils ont leurs limitations. Dans cet état nous nous vouonsau développement spirituel. C’est l’état véritablement humain, maisc’est un état dont la plupart des « êtres humains » ne fontl’expérience que de façon intermittente, si tant est qu’ils la fassentjamais.

Sinous voulions résumer ceci d’une manière plutôt épigrammatique, nouspourrions dire que le monde des dieux est égal au monde del’appréciation esthétique élevée (qu’elle soit atteinte par les arts oupar la méditation), que le monde des titans est égal au monde de lapolitique, des affaires et du syndicalisme, que le monde des êtresaffamés est égal au monde de la romance ou des relations personnellessymbiotiques, que le monde des êtres tourmentés est égal au monde de lamaladie mentale, et que le monde des hommes est égal au monde des êtreshumains véritables, menant une vie véritablement humaine.

Présentation du livre "Histoire du Bouddhisme tibétain, la compassion des puissants"

http://bouddhanar-1.blogspot.com/
Friday, January 04, 2008

Elisabeth Martens a écrit un livre remarquable, " L’histoire du Bouddhisme tibétain, la compassion des puissants ", qu’elle fait connaître au salon de L’autre livre :

Le livre que je voudrais vous présenter aujourd’hui est le résultat d’un travail de réflexion, de recherches, de documentation, mais aussi de voyages, de rencontres et de discussions qui s’est étalé sur une dizaine d’années. Il se divise en trois chapitres qui se juxtaposent avec assez de justesse aux trois axes de réflexions qui ont dirigé sa rédaction. Un premier axe de réflexion est un questionnement philosophique quant à ce qu’est une religion et quant à ce qui la différencie d’une philosophie… où vous retrouvez d’emblée une des questions " classiques " que pose le Bouddhisme à l’Occident : est-il une religion ou une philosophie ? Cette question m’a amené à proposer une distinction claire entre pensée indienne de laquelle est né le Bouddhisme, et pensée chinoise. Dans ce premier chapitre, vous trouverez également un questionnement par rapport à la nécessité, ou non, de préserver les religions, en général : pourquoi une religion ? à quoi sert la foi religieuse ? répond-elle à une aspiration profonde de l’être humain ? l’être humain ne peut-il s’épanouir pleinement en-dehors de toute foi religieuse ? A ces questions que je considère comme fondamentale dans la vie de chaque personne, je ne propose que quelques pistes de réflexion personnelles, mais que j’ai pris plaisir à partager, et en espérant qu’elles puissent alimenter la réflexion de chacun. Cette part " essais " de mon livre est la plus présente dans le premier chapitre, mais se retrouve tout au long des pages, en particulier vers la fin et dans la conclusion. Toutefois, le premier chapitre ne s’en tient pas qu’à des questionnements : il analyse aussi l’évolution du Bouddhisme à partir de sa terre d’origine et de son enseignement d’origine (le dharma), et montre que le Bouddhisme, comme toute autre forme de pensée ou de croyance, n’a pu faire abstraction des contingences sociales et politiques dans lesquelles il a évolué. Il s’en est d’ailleurs trouvé profondément modifié, jusqu’à donner naissance au Bouddhisme tibétain que certains milieux avertis considèrent comme l’école bouddhiste la plus éloignée du dharma, alors que d’autres milieux, tout aussi avertis, considèrent comme l’école bouddhiste la plus aboutie (un homme averti en vaut deux !).

Un second axe de mon travail est une étude systématique de l’histoire du Tibet, vue sous l’angle du Bouddhisme tibétain. Cette étude historique constitue le cœur du livre et le chapitre le plus volumineux. J’y reviendrai dans un instant, mais je voudrais d’abord vous expliquer la raison pur laquelle il m’a semblé important de consacrer autant de temps à l’étude historique du Bouddhisme tibétain. Pour cela, j’aborde le troisième axe de réflexion qui a dirigé mon travail : il s’agit d’un analyse critique de l’importation du Bouddhisme tibétain en Occident et de la vaste médiatisation dont il jouit chez nous, depuis une cinquantaine d’années. Pourquoi une telle médiatisation ? n’a-t-elle pas un arrière-goût politique ou stratégique ? C’est en réalité ce troisième axe de réflexion qui m’a amené, finalement, à rédiger ce livre. En effet, j’ai habité en Chine de 1988 à 1992, pour me spécialiser en médecine traditionnelle chinoise. J’étais donc sur place lors des événements de la Place Tian AnMen en ‘89, la même année qui a vu chuter le mur de Berlin, et la même année qui a vu le Dalaï Lama se faire honorer du prix Nobel de la Paix. Cette année 1989 mériterait à elle seule une étude approfondie : ces différents événements qui, apparemment, n’ont pas beaucoup de liens entre eux, peuvent être considérés comme un moment de bascule vers une " ère de grandes catastrophes " dont se pourlèchent actuellement nos médias. Si, d’une part, cette ère catastrophiste aiguise nos appétits rebelles et fait naître des mouvements de résistance de plus en plus nombreux, bien que encore trop timides et trop peu organisés, d’autre part, elle éveille et attise aussi nos angoisses face à un futur de jour en jour plus nébuleux et incertain. C’est sur cette angoissante nébuleuse du futur que s’appuie une constellation quasi infinie d’associations spiritueuses qui nous rappellent de manière insistante que notre être spirituel est en chute libre, que nous divaguons dans un grand no man’s land spirituel.

Ce vide spirituel, nous devrions le combler par des méthodes qui vont des " constellations familiales " à la " naturopathie ", du " biodanza " au " reiki ", de " l’éveil de la connaissance de soi " à " l’approche de la méditation ", de la " méditation de la lumière " au " tarot et arts divinatoires ", de la " thérapie par les sons " à la " kinésiologie ", de " l’atelier des couleurs " au " tantrisme ", et j’en passe… il suffit d’ouvrir n’importe quel " agenda + " que vous trouvez dans toutes les bonnes épiceries bios ! Les intitulés de ces cours, conférences, stages, ateliers, etc., que l’on sent fort proches du New Age ou faisant carrément partie du New Age, ne nous étonnent plus, nous avons eu le temps de nous y habituer ! En effet, la sphère du New Age n’est pas si nouvelle que ça puisqu’elle est apparue il y a plus de cent ans. C’était à la fin du 19ème siècle, avec Helena Blavatsky. Cette dame, issue d’une famille de la noblesse russe et proche du Tsar fut, dès son jeune âge, mise en contact avec des maîtres du Bouddhisme tibétain. Suite à une vie spirituelle fort chargée, elle nous laissa comme héritage une œuvre monumentale : " La Doctrine Secrète ". Ce livre remet au goût du jour la quête de l’origine commune de l’humanité, le culte de la race pure, la nostalgie des époques révolues " du bon vieux temps quand tout allait beaucoup mieux ! ". C’est sur cette œuvre que se sont basés les successeurs de Madame Blavatsky pour lancer, dès le début du 20ème siècle, le vaste mouvement du New Age, mouvement de l’homme nouveau, de l’ère nouvelle, mouvement qui prône un gouvernement mondial unique, guidé par une pensée unique ! Aujourd’hui, le Bouddhisme tibétain resurgit au cœur de cette mouvance qui, malgré son odeur de sainteté, est combien trompeuse : la penserait-on en train de flirter avec la " globalisation " alors que tous les aimables tenants du New Age sont les premiers à décrier et à dénoncer celle-ci ? Depuis que le Dalaï Lama a reçu le prix Nobel de la Paix, documentaires, longs métrages, livres, revues, CD, etc. se multiplient exponentiellement et sont portés aux nues par les nombreux satellites du New Age.

C’est dans cette exaltation nouvelle pour le Bouddhisme tibétain, que se tint une exposition grandiose au Cinquantenaire en 1994. Cette expo était en opposition radicale avec tout ce que j’avais vu, entendu et vécu moi-même en Chine pendant plus de trois ans. Inutile de préciser qu’elle était plus une attaque en règle contre la Chine, et plus particulièrement contre le communisme chinois, qu’une ouverture permettant de comprendre le Tibet et ses relations avec la Chine au cours de l’histoire. C’est suite à cette expo, de laquelle je suis sortie passablement écœurée, que je me suis mise à rassembler documents et informations destinés à me faire une opinion quant au " conflit sino-tibétain ". Mon éducation familiale et post-familiale a fait qu’à cette époque j’étais, hélas ou non, entièrement a-politisée. Je n’avais donc aucune raison de me joindre à ce concert BC-BG contre la Chine, pas plus que je n’avais de raison de me lier à l’opinion des intellectuels chinois qui différait à 180° de ce qui se disait en Occident. Qui et que croire face à de telles contradictions ? Pourtant, il s’agissait bien d’une histoire, de l’histoire d’un peuple réel et d’un territoire réel. Il devait donc exister suffisamment de faits historiques sur lesquels m’appuyer pour me forger une opinion. Dès lors, je me suis attelée à récolter ces données, avec la participation attentionnée et patiente de mon conjoint, pendant une dizaine d’années. Le fait que je ne sois pas bouddhiste, et que je n’adhère à aucune autre foi religieuse – bien que je ne me sentes nullement en " vide spirituel ", au contraire, j’estime que mon être spirituel se porte fort bien ! – m’a sans doute facilité la tâche pour garder un esprit critique face au Bouddhisme et pour replacer le Bouddhisme dans les différents contextes qui l’ont vu évoluer. Ce sont les faits historiques, l’étude systématique de l’histoire du Tibet jusqu’au 21ème siècle, qui m’ont amené à m’insurger ouvertement contre la manière dont les médias présentent le " conflit sino-tibétain ". D’après eux, on devrait choisir entre la Chine ou le Tibet : on est soit pour le Tibet contre la Chine, soit pour la Chine contre le Tibet, il n’y a pas d’alternatives possibles. Inutile de préciser que la deuxième proposition ne fait pas bon effet lorsqu’elle est affichée en public. Depuis 1959 (c’est-à-dire depuis que le Dalaï Lama n’est plus au Tibet), les médias ont systématiquement noirci la Chine et mystifié le Tibet et le Dalaï Lama, de sorte que, actuellement, après 50 ans de matraquage médiatique, la très grande majorité (pour ne pas dire la quasi totalité) des intellectuels occidentaux choisissent pour le Tibet, donc contre la Chine.

Pour arriver à ce résultat mirobolant, les médias se sont servis de l’histoire pathétique du Dalaï Lama, une histoire émouvante et remuant nos archétypes les plus profonds : l’histoire d’un roi-dieu, un roi-père, destitué de son trône par des traîtres pervers, chassé de son territoire par des démons rouges à queue fourchue, et " exilé par la force des armes ", précisent les médias. Alors qu’on sait fort bien maintenant que cet exil a été choisi par le Dalaï Lama, en accord avec l’aristocratie tibétaine, les laïcs et le clergé réunis. On sait fort bien que sa fuite a été organisée, préparée et financée par les Etats-Unis. Plusieurs ouvrages ont été écrit à ce sujet, non pas des ouvrages chinois, mais des ouvrages rédigés aux Etats-Unis, au Canada, en Angleterre, entre autre par les ex-agents de la CIA qui ont commandité la fuite du Dalaï, des grands lamas et de l’aristocratie tibétaine, ces mêmes agents présents au Sikkim pour organiser la résistance tibétaine. Ces livres rendent public les mensonges médiatiques à propos du Tibet, dont le plus tenace est le " 1,2 millions de morts tibétains à cause de l’occupation chinoise ", chiffre qui a été démenti parce que, statistiquement et démographiquement, il ne tient pas la route. Ces livres rendent aussi public le soutien des Etats-Unis au Dalaï Lama et au Tibet, dès avant ’59 : une dépêche du ministère des affaires étrangères des Etats-Unis note en 1956 que " le Tibet doit devenir le bastion de notre lutte contre le communisme en Asie ". Cette petite note exprime clairement que le Tibet et son représentant le plus célèbre ont été choisis pour servir de pions dans la guerre froide menée par les Etats-Unis, principalement contre le communisme en Chine. Une telle vision étasunienne, pragmatique et futuriste à la fois, explique la présence de le CIA au Sikkim dès le milieu des années ’50. Elle explique aussi le soutien financier dont ont joui les communautés tibétaines dès leur exil (1,7 million $/an pendant les années ’60) et le Dalaï Lama à la même époque (186.000 $/an), sans parler du soutien logistique octroyé aux mouvements pour l’indépendance du Tibet. On pourrait penser qu’avec le temps, ces financements se sont étiolés, mais il n’en est rien, ils se poursuivent de plus belle quoique sous l’auspice d’association aux noms plus ronflant que la " CIA ". C’est ainsi que les communautés tibétaines perçoivent aujourd’hui 2 millions $/an du " National Endowment for Democraty " (organisation étasunienne au-delà de tous soupçons !), à quoi il faut ajouter les nombreuses facilités dont jouissent les tibétains en exil, ainsi que les financements de la part de grands trusts internationaux.

Ces ouvrages qui racontent l’autre versant de l’histoire récente du Tibet ne sont évidemment pas ceux que l’on trouve sur les rayons du GB et du Carrefour à côté du sourire angélique et tellement craquant de notre Sainteté. Une fois n’est pas coutume, voilà qu’il pose à nouveau sur la couverture de sa dernière parution : " L’univers en un seul atome ". Car le Dalaï Lama ne se contente plus de rassembler les seuls paumés spirituels de l’Occident, les post-68-tards qui ne voulaient plus " bêtement " croire en Dieu et qui trouvaient dans le Bouddhisme une alternative exotique et à leur goût… Non ! Voilà que le Dalaï se fait aussi inviter aux colloques scientifiques se tenant aux Etats-Unis, qu’il s’installe dans les fauteuils des parlementaires européens, qu’il sympathise avec le pape, les grands rabbins, les imams, sans négliger les chamanes mexicains… et voilà que le Bouddhisme tibétain s’immisce même dans nos écoles primaires : quoi de plus calmants pour nos jeunes têtes blondes que de colorier un mandala en fin de journée ? En effet, quoi de plus calmant pour ces petites têtes lorsqu’elles sont pleines de calculs et de fautes d’orthographe … ? Cette lente pénétration du Bouddhisme tibétain dans l’inconscient de nos vies ne serait pas à dénoncer s’il était exempt d’une toile de fond politique qui ressemble furieusement à de la propagande insidieuse et sournoise. Or cette propagande est entièrement financée et soutenue par les Etats-Unis, suivis par les puissances occidentales. La question réelle du conflit sino-tibétain n’est donc pas : " Chine, ou pas Chine ? ", mais elle est : " quels sont les intérêts des grandes puissances à soutenir la " cause tibétaine " et à systématiquement assombrir le versant chinois de ce conflit ?
En fait, leur intérêt est assez évident et le devient de plus en plus : il ne passe plus un jour sans que les médias ne se préoccupent et ne s’inquiètent de la percée économique fulgurante de la Chine. La Chine représente pour l’Occident la planche de salut d’un système qui, sans elle, entrerait dans sa phase moribonde. Si les grandes puissances parviennent à conquérir le gigantesque marché chinois, en croissance continue, les capitaux occidentaux pourront continuer leur course pendant encore quelques dizaines d’années, voire un siècle. Sans le recours à la Chine, notre système économique rejoue le scénario du Titanic, il prend l’eau de partout et est voué à perdre ses privilèges en peu de temps. Donc, toute déstabilisation de la Chine, et surtout une déstabilisation venant de l’intérieur de la Chine, est bienvenue pour l’Occident. Le Tibet fait partie de la Chine, aussi l’Occident a-t-il tout intérêt à attiser les foyers indépendantistes, sous couverts de " conflits ethniques ". Mais, à ce stade, on ne peut évidemment pas passer sous silence la question de fond que pose le Tibet : l’indépendance du Tibet est-elle justifiée ? Pour répondre à cette question, il est indispensable d’analyser l’histoire du Tibet et l’histoire de ses relations avec la Chine. C’est donc ce qui m’a conduit à étudier cette histoire et à écrire le deuxième chapitre de mon livre. Je voudrais ébaucher ici très rapidement les grandes étapes de cette histoire tibétaine, pour en distinguer les couleurs dominantes.

Jusqu’au 7ème PC, le haut plateau tibétain (qui recouvre environ 5X la France) était peuplé de tribus semi-nomades. A cette époque, le fils aîné d’une famille influente se met en tête de rassembler les différentes tribus éparpillées et de constituer une grande armée. Les ambitions de Song Tsen Gampo ont fait basculer la société tibétaine d’une structure tribale vers une structure esclavagiste : les paysans étaient enrôlés de force dans les efforts de conquête de la lignée dynastique des Tubo (d’où vient, par dérives phonétiques, le nom " Tibet "). A la façon de Gengis Khan au 13ème, Song Tsen Gampo conquiert ainsi le haut plateau tibétain et ira même jusqu’à titiller son puissant voisin, la Chine des Tang. Tant et si bien que l’empereur des Tang sera amené à donner sa fille en mariage à ce roi fougueux. Grâce à la princesse Wen Cheng, le Bouddhisme, sous sa forme chinoise de l’école du JingTu (ou de la " Terre Pure ", qui compte encore de nombreux fidèles chinois aujourd’hui) apparaît sur le haut plateau. Le Bouddhisme doit alors rivaliser durement avec la religion autochtone, le Bön, une religion animiste embrassée par l’ensemble des populations tibétaines. Jusqu’au 9ème siècle, lorsqu’un roi Tubo veut imposer le Bouddhisme au Tibet. Pour ce faire, il invite un maître tantrique à venir enseigner la voie tantrique. Padmasambhava, venu du Nord de l’Inde, est considéré encore aujourd’hui comme le père du Bouddhisme tibétain, parce qu’il a réussi à adapter la voie tantrique aux couleurs locales. C’est ainsi que le Bouddhisme tantrique, dernière école bouddhiste née en Inde, se charge de divers cultes et croyances, dieux et démons du Bön. Suite à des intrigues familiales complexes, la dynastie Tubo s’émiette et se perd dans les méandres de l’Histoire. Le Tibet fut donc un grand royaume ou un grand empire (on entend dire les deux) du 7ème au début du 9ème PC. A cette époque, on ne parlait ni d’indépendance, ni de frontières. Or, la carte du " Grand Tibet ", telle qu’elle est dessinée aujourd’hui par les mouvements d’indépendance du Tibet, se base sur ce territoire conquis par les Tubo entre le 7ème et le 9ème PC.

Après cette période de " gloire esclavagiste ", le Tibet sombre dans quatre siècles de rivalités tribales. C’est durant cette période d’instabilité que le Bouddhisme tibétain prend réellement son envol, et ceci grâce au grand prophète… Mohamed ! En effet, les troupes musulmanes commencent à envahir le Nord de l’Inde, et dès le 10ème PC, elles font fuir les derniers maîtres tantriques. Ces maîtres indiens se retrouvent au Tibet où ils sont accueillis bras ouverts par la noblesse tibétaine qui voit rapidement les avantages qu’elle peut tirer de l’installation de communautés tantriques sur le haut plateau. Les premières communautés bouddhistes qui se forment au Tibet, celles des Bonnets Rouges ou de l’école des Anciens, sont des communautés familiales. Les maîtres peuvent prendre femmes et avoir de nombreux enfants. Grâce à cette caractéristique assez particulière pour une école bouddhiste, ces communautés deviennent l’ossature d’une structure sociale nouvelle basée sur le servage. Les Rinpotchés (responsables des communautés bouddhistes) étaient choisis parmi les fils des familles nobles. Ce système assurait le maintien des biens, qui était surtout des biens fonciers, au sein des familles de la noblesse tibétaine. En même temps, il assurait le respect d’une hiérarchie stricte indispensable pour installer un régime de servage. Cette période d’implantation du Bouddhisme tibétain au Tibet se nomme aussi la période de " Renaissance du Bouddhisme " : quasi chaque maître tantrique indien arrivant au Tibet fondait sa propre école. Dès lors, il existait un foisonnement d’écoles et de manières d’appréhender et de pratiquer le Tantrisme, ce qui eut pour avantage d’enrichir considérablement le Bouddhisme et de lui redonner un élan. Toutefois, toutes ces écoles nouvelles ont pris comme modèle celle des Bonnets rouges, c'est-à-dire, des communautés familiales qui assuraient la transmission des biens de père en fils. En pratique, c’était toujours les familles de la noblesse tibétaine qui régnaient et rivalisaient entre elles, comme c’était le cas avant la dynastie Tubo, mais cette fois, en s’appuyant sur un régime de servage installé grâce aux communautés bouddhistes.

Au 13ème siècle, Gengis Khan et ses fils tentent de conquérir la Chine. Celle-ci ne se laisse pas faire et oblige les troupes mongoles à traverser le haut plateau tibétain pour se diriger vers les provinces du Sud (Sichuan et Yunnan actuels). En passant par le plateau tibétain, les Mongols ne rencontrent que peu de résistance, chaque communauté et famille étant en train de préserver ses acquis. Le Khan désigne alors le Rinpotché de l’école la plus influente du moment (les Sakyapa) comme administrateur suprême du Tibet. Du même coup, il annexe le Tibet à l’Empire chinois qui vient d’être mis sous tutelle mongole. Pour la première fois de son histoire, le Tibet fait partie de la Chine, non pas par décision des Chinois, mais des par décision des Mongols. Les Mongols garderont une forte influence sur le Tibet jusqu’au 18ème siècle, lorsque les Mandchous prendront la relève. Mais entre le 13ème et le 18ème, le Bouddhisme tibétain subit une réforme importante apportée au 14ème par un maître tantrique, TsongKapa. Le point principal de cette réforme est l’imposition du célibat aux lamas, exception faite pour les quelques hauts lamas qui ont atteint la troisième étape de réalisation. Cette ultime étape tantrique exigeait la présence de femmes, le meilleur calibre pour atteindre l’illumination le plus rapidement possible étaient des fillettes de 10 ans jusqu’à des jeunes femmes de 25 ans. La réforme apportée par TsongKapa et concrétisée par l’apparition de l’école des Bonnets Jaunes (ou Gelukpa, les plus nombreux actuellement), n’était pas qu’une affaire de mœurs ou de moralité publique, tel qu’on se plaît à le penser chez nous. Il s’agissait surtout d’une affaire politique. En effet, la structure précédente dans laquelle les biens se transmettaient au sein des familles de Rinpotché (donc au sein des familles nobles) se trouvait face au délicat problème des fratries. La plupart du temps, la fratrie en venait aux mains, si pas aux armes, pour s’arracher un morceau de territoire lors du décès d’un Rinpotché. Les nombreux rejetons dilapidaient trop rapidement les biens de la noblesse. TsongKapa se dit que si les communautés tantriques n’étaient plus familiales, mais qu’elles revenaient au célibat, tel qu’enseigné par le Bouddha historique, les problèmes de succession devraient se régler autrement. On inventa alors le système des " tulkous ", ou des Bouddhas vivants : un Bouddha ou un Boddhisattva se réincarne en un nouveau-né que le Rinpotché décrit avant de mourir. Puisqu’il n’y a plus qu’un seul successeur, désigné par le Rinpotché lui-même, le problème de la succession, des rivalités familiales et de la dilapidation des biens ne se posait plus. C’est ainsi que l’école des Bonnets Jaunes a acquis notoriété, puissance et terres.
Au 16ème siècle, alors que les Mongols ont dû se retirer de la Chine pour faire place à la dynastie Ming, mais que le Tibet reste toujours annexé à la Chine, le Khan de Mongolie qualifie le Rinpotché des Bonnets Jaunes de " grand océan de sagesse ", ou " dalaï " en mongol, ou " gyatso " en tibétain. Depuis lors, les Dalaï Lamas sont considérés comme une lignée de réincarnations de Tchenrezi, le Boddhisattva de la grande compassion. Pourtant, de compassion, il n’y en avait guère dans ce régime de servage particulièrement cruel vis-à-vis des familles de serfs, des moine-serfs, des femmes et autres sujets de peu d’importance mais qui constituaient la très grande majorité de la société tibétaine. Intimidation morales, mutilations physiques et sacrifices humains ont été le lot du peuple tibétain jusqu’au milieu du 20ème siècle. La prise de pouvoir des Mandchous sur la Chine, au 17ème, n’a fait que renforcer le servage puisque les Mandchous l’ont légalisé. Ils ont aussi nommé le Dalaï Lama (le " Grand Cinquième ", à l’époque) comme " chef spirituel et temporel du Tibet ", ce qui ne les a pas empêché par ailleurs d’envoyer un émissaire (" l’amban ") pour contrôler les finances et surveiller la politique extérieure d’un Tibet qui, d’après les mandchous, était encore trop sous la coupole des Mongols. Ce sont encore les Mandchous qui ont dessiné les frontières des 18 provinces chinoises, entre autres celle du Tibet. C’est donc depuis cette époque (18ème siècle) que le Tibet est une province chinoise à part entière, bien qu’elle fut une province soumise à un régime de protectorat assez " libéral ".

Au 19ème, le Tibet, de même que bien d’autres terres asiatiques, doit compter avec les puissances occidentales, principalement celles de l’Empire britannique, fort présent en Inde, et l’Empire du Tsar, de l’autre côté des monts TaiShan. Ce que convoitent ces deux empires n’est pas le Tibet, trop pauvre et difficilement accessible, mais la Chine. En effet, les concessions chinoises concernaient principalement les villes côtières de la Chine, mais aucun pays européen n’était parvenu à s’installer au cœur de la Chine. C’est dans un but de conquête que le Tsar Nicolas II envoie un émissaire à Lhassa, le lama Dorjiev qui se fait passer pour maître tantrique et devient le bras droit du 13ème Dalaï Lama. De cette époque date la rencontre entre Madame Blavatsky et le Bouddhisme tibétain, rencontre qui donna lieu à un vaste mouvement qui, dès ses débuts, s’est inscrit dans la lutte contre un Socialisme émergeant et montant. C’est aussi par convoitise pour la Chine qu’à la fin du 19ème siècle, les troupes britanniques envahissent le Tibet à partir des frontières indiennes. Le 13ème Dalaï ne sait plus où donner de la tête, tellement il se voit entourer de bras droits : russe, anglais, mandchou, japonais. Il tourne comme une girouette au gré du vent, mais son objectif reste le même : préserver au mieux les privilèges de la noblesse tibétaine, clergé et laïque. Finalement, ce sont les Britanniques qui s’avèrent les mieux placés sur l’échiquier politique du moment et le 13ème se joint à eux lorsqu’en 1913 a lieu la conférence de Simla, en Inde. Cette célèbre rencontre rassembla la toute jeune République chinoise (elle n’a que deux ans), le puissant Empire britannique et une délégation tibétaine envoyée par le 13ème Dalaï. Bien conseillés par la convoitise des Anglais, les Tibétains déroulent sur la table de négociation une carte du " Grand Tibet " : le territoire conquis par les Tubo entre le 7ème et le 9ème siècle et qui représente 2,5 X la province du Tibet. Sur base de cette carte (dessinée grâce aux cartes anglaises !), les Tibétains réclament leur indépendance à la jeune République chinoise. Les Anglais signent, évidemment. Les Chinois refusent, évidemment. Et l’affaire en est resté là, rien ne changea pour le Tibet : il continua à faire partie de la Chine, il ne fut accepté comme pays indépendant ni par la Chine, ni, plus tard, par l’ONU. Alors pourquoi entend-on depuis cinquante ans que " le Tibet est occupé par la Chine " ? Parce qu’au début du 20ème siècle, les Anglais occupaient le Tibet !… de la même manière que les Belges occupaient le Congo ou que les Français occupaient le Vietnam et les Espagnols, l’Amérique latine. Nous avons cette grande prétention en Occident de croire que parce qu’on occupe un pays " non civilisé ", il nous appartient d’emblée ! Historiquement, au Tibet, il n’en fut rien. Même si, actuellement, cela arrangerait beaucoup mieux nos grandes puissances !

La première guerre mondiale, puis la deuxième guerre mondiale, ont mis en veilleuse la demande d’indépendance du Tibet, jusqu’aux débuts de la guerre froide. C’est à ce moment que les Etats-Unis entrent en scène. Les Etats-Unis ont vu dans cette demande d’indépendance un atout important dans leur lutte contre le communisme en Asie, surtout contre le PCC. Ils ont clairement acheté le Bouddhisme tibétain et son représentant le plus célèbre, le Dalaï Lama. De même, ils ont financé, pendant cinquante ans, la bouddhéisation de l’Occident sur fond de mélodrame psychanalytique… et on sait avec quelle délectation certains milieux psychanalytiques se sont emparés de cette histoire quasi biblique ! Toutefois, pour nous faire croire à un conflit ethnique entre Chinois et Tibétains, puis à un génocide culturel, les grandes puissances ont eu besoin du concours du Dalaï Lama. Il était l’autorité tibétaine la plus indiquée pour se servir du Bouddhisme en vue de rallier à la " cause tibétaine " la très grande majorité de la classe moyenne, intellectuelle et semi-bourgeoise de l’Occident (nous, en l’occurrence). Ce n’était pas la première fois que le Bouddhisme servait un dessein politique. Ce fut le cas à maintes reprises au cours de son histoire, en Inde, en Chine, au Japon, au Tibet. Ce n’est pas non plus la seule religion à s’être prêtée à des buts politiques, on pourrait même dire que dès qu’une religion est institutionnalisée, elle sert le pouvoir en place. Mais n’est-elle pas institutionnalisée par le pouvoir pour servir celui-ci ? La dernière fois que le Bouddhisme tibétain a servi des ambitions politiques était une fois mémorable, parce que particulièrement macabre. C’était avant la seconde guerre mondiale, lorsque l’idéologie nazie s’est inspirée de l’esprit du Guerrier défenseur de la " Bonne Doctrine " (le dharma, version tibétaine), du culte de l’homme originel et de la race pure (version " Doctrine secrète ". De même qu’elle s’est emparée de l’esprit du Samouraï présent dans le Zen japonais et qui a montré son infinie cruauté lors de la guerre sino-japonaise.

Durant l’après-guerre, époque caractérisée par la chasse aux sorcière communistes, il ne fut pas difficile au 14ème Dalaï Lama de proposer à l’Occident une version du Bouddhisme tibétain qui caressait les intellectuels dans le sens du poil, en passant sous silence le millénaire d’atrocités que les lamas du Bouddhisme tibétain infligèrent aux populations du Tibet. Chez nous, le Bouddhisme est paradoxalement devenu l’emblème d’un religion de tolérance et de compassion. Or le Bouddhisme tibétain a une histoire particulièrement sinistre et violente, faite de meurtres, de tortures, de mutilations, d’intrigues de couloirs, d’assassinats, etc. Les différentes lignées de Rinpotché, entre autre, celle des Dalaï Lamas, ont toujours manœuvré en vue de conserver leurs biens et leurs privilèges sans se préoccuper le moins du monde d’améliorer la vie des Tibétains… est-ce cela la compassion et la tolérance ? Pourtant le Bouddhisme tibétain a su séduire l’Occident intellectuel, au point qu’on pense souvent chez nous que le Dalaï Lama est le " pape " des Bouddhistes, que tous les dimanches matins 20 minutes d’antenne sont consacrées à la " voix bouddhiste ", et que sur le marché des spiritualités, le Bouddhisme tibétain figure en bonne place. Si le Bouddhisme tibétain est devenu la vedette d’Arte, c’est surtout grâce à un magistral coup de marketing de la part du Dalaï Lama et de ses " managers ". Ils ont été chercher dans le Bouddhisme les aspects les plus aptes à séduire le public occidental. Il faut dire que, d’une part, le Bouddhisme est particulièrement plastique et donc se prête à ce genre de manipulations, et que d’autre part, à l’époque où le Bouddhisme tibétain commence à faire plus parler de lui, l’Occident lui est ouvert : durant l’après-guerre, les biens de consommation affluent sur le marché, les Européens se sentent à l’aise, pas de soucis de travail ni d’argent, l’avenir est radieux. Du coup, la religiosité ancestrale s’effiloche, s’effrite et se fait efficacement remplacer par " l’athéisme qui embrasse l’absolu " !
Jusque dans les années ’80 et ’90 (avec la fatidique année 89), lorsque resurgit une ère de grandes catastrophes : l’engouement actuel pour le Bouddhisme tibétain s’inscrit dans le mouvement de résurgence des religions, de toutes les religions, où chacune revêt ses plus beaux atours. Que le Bouddhisme ait particulièrement touché les intellectuels, semi-bourgeois, post-68-tards, bio-névro, n’a rien d’étonnant. En effet, le Bouddhisme originel (le dharma) propose une méthode, parfois qualifiée de " thérapeutique ", pour se débarrasser de ce sentiment d’insatisfaction et de semi-dépression permanente dans lequel sont agglutinés une majorité de nos congénères moyennement pensants. Ce sentiment vient du fait que ces personnes (nous, à nouveau) ont un ego très imposant, très lourd à porter, parce qu’elles ont en permanence le soucis de se distinguer des autres, de préserver leur identité, leur individualité, leur intégralité, leur originalité…et vont faire bronzette sur les plages les moins fréquentées. Le Bouddhisme originel parle d’abord à ces individus pour qui l’écologie devient très vite de " l’égologie ". D’ailleurs, une des caractéristiques du Bouddhisme est que, dans ses différents pays d’accueil, il a été d’abord protégé et divulgué, par les " grands ", ceux qui ont pouvoir, avoir et savoir : les rois, les empereurs, les lettrés, les intellectuels. Maintenant, il est porté par les stars de cinéma, les marchands d’armes, les banquiers, les universitaires " labelisés ", les Georges Sorros et les Richard Gerre. Le Bouddha lui-même était fils de roi, ne l’oublions pas, et, de manière spontanée, il a parlé à ses collègues des beaux quartiers.

Le Dalaï Lama a très bien compris que pour remplir son contrat, il devrait se rallier la classe moyenne et moyennement pensante de l’Occident. Pour cela, il fallait un retour aux sources du Bouddhisme, il fallait qu’il utilise l’atout du Bouddhisme originel, celui qui apprend à ne plus souffrir d’avoir un ego aussi pesant. Il fallait aussi adapter le vocabulaire à la demande occidentale. C’est ainsi que le Bouddhisme est tout à-coup devenu une philosophie, alors qu’il avait toujours été une religion. Une religion sans Dieu, certes, mais une religion à part entière : une religion pour laquelle le Salut est l’Au-delà de toute dualité, l’en-dehors de nos conditions physiques et temporelles, une transcendance finalement assez similaire à celle du monde chrétien. Il a encore fallu nettoyer le Bouddhisme tibétain de ses aspects spécifiquement tibétain : les monstres dévoreurs d’enfants, les séances d’exorcisme, les rituels magiques, l’utilisation des femmes, les dogmes trop apparents, etc., tout en conservant timbales, trompettes et carpettes pour préserver son exotisme. Grâce à ce considérable effort de marketing, le Bouddhisme tibétain a pu répondre positivement à la demande occidentale d’une spiritualité athée, authentique et " clean ". Mais rien d’alarmant au fait que le Bouddhisme ait une envie soudaine de retourner à ses sources : c’est dans l’air du temps, c’est dans la vague du New Age et du renouveau charismatique. Pourquoi ne le pourrait-il pas ? … Parce que le Dalaï Lama et les promoteurs du Bouddhisme tibétain savent pertinemment bien qu’en utilisant les aspects les plus séduisants du Bouddhisme, ils ne font pas qu’une bonne pêche de nouveaux bouddhistes potentiels (ce qui est assez secondaire), mais ils amènent ces personnes - qui ne sont d’ailleurs pas sensées se convertir au Bouddhisme, la plupart d’entre elles se disent " proches du Bouddhisme " ou " sympathisantes " - à rejoindre le mouvement pour l’indépendance du Tibet. Ce qui, chez nous, revient automatiquement à dire : rejoindre le concert international contre la Chine. Cet automatisme vient du fait que trop peu d’analyses historiques du Tibet nous sont proposées. Nous manquons de données pour que puisse se tenir un raisonnement critique. J’ai écrit ce livre pour donner un début d’informations, pour ouvrir un débat et pour montrer qu’il existe d’autres versions, visions ou versants du Bouddhisme tibétain que ceux que nous proposent nos couloirs.eu et nos congrès.com

Biologiste, spécialisée en médecine traditionnelle chinoise à Nankin de 1988 à 92, Elisabeth Martens est chargée de cours de sinologie au centre Tian-di depuis 1992 : langue, philosophie, histoire, sciences et techniques, médecine, pratiques de santé. http://www.tiandi.eu/index.html

L’Autre Livre http://users.skynet.be/livres/Presentation.htm
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