Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blog VOM : Géopolitique - Mondialisation - Société- Religions - Spiritualité - Actualité...
11 juin 2015

BOUDDHISME ET CHRISTIANISME

BOUDDHISME ET CHRISTIANISME

Examen Cursif d'Emile Besson
Quelques-unsdes lecteurs de nos "Amitiés spirituelles" nous ont demandé decaractériser le Bouddhisme et d'indiquer les rapports qui peuventexister entre lui et le Christianisme. Pour déférer à leur désir, nousentreprenons cet examen. Il est à peine besoin d'ajouter qu'il nes'agit nullement d'échafauder des raisonnements, mais d'esquisserquelques conclusions. C'est par centaines que l'on compte les ouvragesconsacres au Bouddhisme : il faudrait un gros volume pour en exposerseulement la substance ; l'indispensable même ne saurait donc être ditdans le peu de place dont nous disposons. D'autre part, il ne peut êtrequestion d'opposer les uns aux autres les détails qui, dans leBouddhisme et dans le Christianisme, peuvent se ressembler : ce seraitla matière d'un volumineux ouvrage, car il faudrait préciser lesoppositions. Nous voudrions, en quelques traits, donner la physionomiedu Bouddhisme et montrer en quoi il est foncièrement différent duChristianisme. Ceux de nos lecteurs qui désireraient approfondirl'étude de ce sujet trouveront le plus grand profit à se reporter auxouvrages suivants, que nous choisissons parmi les plus récents et lesplus autorises.
Aug. Barth : Les Religions de l'Inde dans oeuvres. Paris (Leroux), 1914, tome I, page 1 à 255
René Grousset : Histoire de la Philosophie orientale. Paris (Nouvelle Librairie Nationale), 1923
Paul Masson-Oursel : Esquisse d'une histoire de la Philosophie indienne. Paris (Geuthner), 1923
H. Oldenherg : Le Bouddha. Sa vie, sa doctrine, sa communauté, traduction Foucher. Pans (Alcan), 1894
édition, 1921 -
Paul Oltramare : Histoire des idées théosophiques dans l'Inde. Tome II Théosophie bouddhique. Paris (Geuthner), 1923
Louis de la Vallée Poussin : Bouddhisme. - Opinions sur l'Histoire de la Dogmatique. Paris (Beauchesua), 1909.
* * *
Avertissement. - Dans les mots sanscrits u se prononce ou ; e = ê ; ai = aï ; au = aou
c = tch ; j = dj ; g est toujours dur ; ñ se prononce à l'espagnole, comme le gn français.

I
Le Révélateur
Nos Evangiles ont été rédigés dans les années qui suivirent la mort duChrist, sous l'inspiration directe de témoins oculaires de sa vie, aulieu que les renseignements concernant la biographie du Bouddha sont dedate relativement récente ; les plus anciennes (vies du Bouddha), le Lalita-vistara, le Buddha-carita d'Açvaghosha,datent du premier siècle de notre ère, elles sont donc de plus de 400ans postérieures aux événements qu'elles rapportent ; aussi n'est-ilpas surprenant d'y trouver attribués au Bouddha tous les traitscaractérisant les vieux sages et les merveilles qui devaient avoiraccompagne la vie d'un Sauveur du monde. Il est par conséquent assezdifficile, quand on parle du Bouddha, de séparer l'histoire de lalégende.
Voici toutefoisce que l'on peut considérer comme historique. Par opposition à jésus,qui naquit dans une étable, d'une famille pauvre, le Bouddha vint aumonde dans la famille princière des Gautamas, appartenant au clan desÇâkyas (les Puissants). Leur domaine s'étendait sur les confins duNépal et de l'Oude, à environ 200 kilomètres au nord-est de Bénarès ;il équivalait, en superficie, à un peu plus de deux départementsfrançais et on devait alors, comme aujourd'hui, y cultiver le riz. Lepère du Bouddha se nommait Çuddhôdana (celui dont le riz est pur) et samère répondait au nom, bien métaphysique, de Mâyâ (l'illusion). LeBouddha naquit, vers 560 avant notre ère, à Kapilavastu (Lieu rouge ouSol rouge), ville principale des états de son père ; il se nommaitGautama (en pâli Gotama) et fut connu dans sa jeunesse sous le nom deSiddhârtha (en pâli Siddhatta), "celui qui est arrive à ses fins" (1).
Il dut recevoir l'éducation très soignée des enfants de sa condition.La tradition rapporte que sept jours après sa naissance, sa mèremourut. A l'âge de 29 ans, il abandonna ses parents. sa femme et sonfils pour mener la vie errante des ascètes. Après avoir suivi lesleçons de différents maîtres en renom, il décida de chercher parlui-même la Lumière. Il se livra aux macérations, mais celles-ci ne luiprocurèrent aucune révélation ; il les délaissa. Une nuit qu'ilméditait sous un arbre (2), à Gayâ (au Sud de Patna), dit la tradition,il atteignit la connaissance absolue : il était devenu un Bouddha. Ilétait alors âgé de 36 ans. Pendant quarante-quatre ans, à partir de cejour, il répandit la bonne parole de la Délivrance, surtout sur lesdeux rives du Gange, dans la province de Bénarès et dans le pays deMagadha (le Béhar actuel) : il fit son premier sermon à Bénarès et lesanciens textes appellent cette première prédication "la mise enmouvement de la roue de la Loi".
A l'inverse du Christ, ce furent des brahmanes philosophes, desprinces, des nobles, de riches bourgeois, des savants qui le suivirent.En effet, le Christ faisait uniquement appel au coeur, au sentimentpour le Bouddha, au contraire, le salut ou la perdition dépend de lascience ou de l'ignorance ; l'ignorance est, à ses yeux, la racinedernière de tout mal, la science est l'unique pouvoir capable dedétruire le mal dans son principe. La prédication de la délivranceétait donc un enchaînement de notions et de propositions abstraites, unvaste système de concepts entrelacés de mille manières ; aussil'essence philosophique de ces discours exigeait-elle des auditeurscultivés (3). Il menait une vie itinérante et se retirait, pendant lestrois mois de la saison des pluies, dans les couvents de moines (vihâra) ou dans l'une des nombreuses demeures offertes à la communauté de ses disciples (sangha) parles riches laïques qui recevaient son enseignement. Là le peupleaffluait; il venait même des pèlerins de pays éloignés et aussi desrois, des dignitaires et encore des dialecticiens de toutes nuances.
Ceux-là seuls étaient les disciples du Bouddha (bhiksus, en pâli bhikkhus, "mendiant")qui avaient entièrement renoncé au monde. Ils prononçaient la formuledu "triple refuge" : " Je mets mon refuge dans le Bouddha, dans SaDoctrine et dans la Communauté de ses disciples" ; ils faisaient voeude ne vivre que d'aumônes, au jour le jour (4). Ils formaient unecongrégation d'ascètes et non une association libre de personnes uniespar les seuls liens du coeur, comme était le cercle des disciples deJésus. La vie des bhiksus était réglementée jusque dans ses plusinfimes détails. Ils portaient la robe jaune et la tonsure, signesextérieurs du renoncement au monde. Ils ne devaient se livrer a aucuntravail, car celui-ci aurait été productif de richesses, aurait engagédans les soucis terrestres l'aspirant à la perfection et l'auraitdistrait de la seule chose nécessaire : la connaissance etl'observation de la Loi. Il n'y avait pas entre eux de distinctions decaste (5) ; tous jouissaient des mêmes prérogatives au sein de laCommunauté (6). Il faut dire que presque tous les premiers disciples deGautama étaient de noble famille ; d'ailleurs, d'après le dogmebouddhique, un Bouddha ne peut naître que dans la condition de brahmaneou de noble. Les moines n'étaient liés à la Communauté par aucun voeu ;ilspouvaient, quand ils le désiraient, la quitter pourretourner au monde et y revenir à nouveau ou demeurer en relation avecelle à titre de laïques.
LeBouddha et ses disciples se trouvaient forcément en rapport avec desfemmes dans les quêtes, dans les repas où ils étaient invité. Gautamaconsidérait la femme comme le piège le plus dangereux tendu à l'hommepar le Tentateur. Aussi, pendant longtemps, ne reçut-on dans laCommunauté que des hommes. Mais la tradition veut que le Çakyamuni aitcédé, non sans répugnance, aux instances de sa mère adoptive Prajavâtî(en pâlî Pajâpatî) "riche en postérité" et ait créé un Ordre de femmes (bhiksunîs, en pâli bhikhunîs)Toutefois,même les femmes qui s'étaient faites disciples étaient tenues assezéloignées du Maître ; - le Bouddhisme n'a pas connu de Marie deBéthanie - ; Gautama leur faisait parvenir par l'intermédiaire desmoines la règle de leur Communauté et cette règle les maintint toujoursdans une dépendance complète vis-à-vis des moines. Il nous est dit quele Bouddha retourna voir son père et qu'il le convertit et que son filsRahûla devint son disciple. A l'âge de 80 ans il eut le sentiment de safin prochaine. Il accepta l'hospitalité d'un forgeron nommé Kundacelui-ci lui prépara un repas où entrait de la viande de porc qui lerendit gravement malade. Il continua sa route vers Kuçinagara (en pâliKusinârâ) ; là il se coucha sous un bosquet d'arbres sâlas et jusqu'àla fin instruisit ses disciples, leur disant que, lorsqu'il ne seraitplus là, leur maître serait la loi qu'il leur avait enseignée (7). Sadépouille fut incinérée aux portes de Kuçinagara par les soins desnobles de la ville (vers 480 avant J.-C.). A cette existence, àlaquelle on a pu donner sans exagération le nom d'idyllique, parmi leshonneurs et les magnificences (8), il serait difficile de comparercelle du Christ prêchant son Evangile dans l'hostilité des dirigeantset l'incompréhension de ses disciples, seul au milieu des foules etcouronnant son ministère par les angoisses du Jardin des Oliviers et lesupplice du Golgotha. Toutefois, dans la doctrine l'antithèse est plusfrappante encore.


Notes
1) Son surnom Câkyamuni (en pâli Sakyamuni ) "solitaire de la familledes Cakyas", qui est le plus employé en Occident, n'est guère usitéqu'en poésie et dans les textes sanscrits récents. Dans les écritspâlis, on lui donne le vieux titre de Bhagavat, qui remonte aux tempsvédiques, et qui signifie Fortuné ; on le rend d'ordinaire parBienheureux, parfois par Sublime. Il s'appelait lui-même le Tathâgata,terme qui n'était déjà plus clair du temps de Buddhagosha (1èremoitié du Ve siècle après J. -C. ) , car ce docteur en donne huitexplications ; on le traduit d'ordinaire "celui qui a marché comme"(les autres Bouddhas) ou : celui qui existe "d'une manière conforme"(sans doute à ses existences antérieures" (Oltrmare) ou encore :"l'Arrivé, le Bouddha parvenu à sortir de la transmigration"(Maason-Oursel) . -Mais son nom le plus habituel est le Bouddha,"l'Eveillé", "l'Illuminé".
2 ) Nommé pippala (ficus religiosa) , sorte de figuier, qu'on appela depuis "arbre de la Bodhi" (illumination) .
3 ) La doctrine du bouddha n'est pas faite pour les enfants ni pour ceux qui leur ressemblent. (Oldenberg, p. 160)
4) Il serait intéressant de comparer le monachisme bouddhique et lemonachisme chrétien ; toutefois, cet examen n'entre pas dans notresujet, car si le Bouddha a groupé ses disciples en communautés demoines, le Christ n'a pas institué le monachisme.
5) Ce qui ne veut pas dire que le Bouddha ait brisé les liens des castes; jamais il n'a songé à réformer l'ordre social ; ses moinesabandonnaient leur caste parce que les préjugés de caste ne signifientplus rien pour celui qui a renoncé à tout. D'ailleurs, dans tous lespays où le Bouddhisme s'est implanté, le système des castes subsistatoujours. l'origine des castes plonge dans la préhistoire ; il y aquatre castes fondamentales : brahmanes ou prêtres ; kshatriyas ouguerriers ; vaiçyas ou gens de commerce, artisans ou agriculteurs ;çûdras ou esclaves ; au-dessous encore sont les parias, les hors caste,rebut de la société.
6) Le Bouddha n'a pas eu davantage l'intention d'abolir la caste qu'iln'a eu celle d'abolir le mariage ; ce ne fut que dans les limites de saconfrérie qu'il insista et sur l'égalité sociale et sur le célibat.
7) Les ascètes du Brahmanisme se groupaient autour de maîtres (gurus) .L'originalité du Bouddhisme, c'est qu'à la mort du Maître, laCommunauté ait subsisté sans chef visible et ne voyant son chefinvisible que dans la Doctrine et la Règle.
8) Le Bouddha eut toujours une pierre, et mieux qu'une pierre, oùreposer sa tête. " (Alfred Roussel : le Bouddhisme primitif, Paris(Téqui) , 1911, p. 337i
II
LES ORIGINES ET LES NOTIONS FONDAMENTALES DU BOUDDHISME
LeBouddhisme est né dans le bassin du Gange, "le plus indien des pays del'Inde" (Oldenberg, p. 7), terre tropicale, au climat déprimant,destructeur de l'effort au profit de la pensée qui tend vers laspéculation pure, vers l'analyse sans arrêt ou la synthèse sans limite.
Làétait le berceau du Brahmanisme. Mais celui-ci n'était lui-même qu'unrameau du Védisme dont l'origine se perd dans la préhistoire. La plusancienne forme de la spéculation indienne est religieuse le Véda est unrecueil de prières où figurent, à côté des formules rituelles dusacrifice, des hymnes aux dieux. Le Rig-Véda, le plus ancien desrecueils védiques, présente un dieu suprême, le Brahman, autrefoisparole rituelle du sacrifice, devenu substance de l'univers, en qui lesautres dieux - qui sont les forces de la nature - doivent un jours'absorber. Le Brahmanisme est une systématisation de la pensée védique; la compilation qui porte le nom de Brâhmanas est un commentaire duVéda. C'est la naissance d'une orthodoxie.
Bienavant la venue du Bouddha, l'ancienne tradition védique fut attaquéepar des philosophes indépendants sophistes, amis d'idées nouvelles,mais persuadés de l'universelle relativité matérialistes (nâstikas: négateurs) qui ne voient que le monde physique ; yogins qui sont depurs ascètes et ne s'occupent pas de religion. En partie sous l'actionde ces facteurs adverses, le système brahmanique s'épanouit dans lesUpanishads (9), traités de philosophie religieuse, dont les plusanciens remontent peut-être au VIIème siècle avant notreère, où la spéculation se donne libre cours. Là est affirmée l'identitéessentielle de l'esprit individuel avec le Premier principe, Brahman ouÂtman, à la fois transcendant et immanent. Pour parvenir al'identification de l'âme avec le Brahman, il faut renoncer au désir,et à toute espèce de désir, et aux úuvres (karman), à touteespèce d'úuvre ; car, si l'úuvre mauvaise conduit l'homme au malheur,l'úuvre bonne lui procure une récompense qui, étant le résultat de cequi est passager, ne saurait être que passagère. L'idée se fait jourque le moi humain et le monde extérieur sont irréels, que l'existenceest mauvaise, que l'objectif de l'homme doit être le détachementcomplet. De ce renoncement à l'ascétisme il n'y avait qu'un pas.L'homme fut enclin à abandonner sa maison et ses biens et à se retirerdu monde. Il y eut même des communautés de moines. Seulement, dans leBrahmanisme, on ne devenait religieux (dvija = deux fois né)qu'après avoir vécu dans le monde et y avoir accompli tous les devoirssociaux, notamment l'éducation et l'établissement de ses fils.Toutefois, entre le Védisme et le Brahmanisme il y a un renversementdes valeurs le Brahmanisme est le système d'une caste plutôt que lacroyance d'une race.
TRANSMIGRATION (10)
Leshymnes védiques semblent ignorer cette notion, mais le Véda paraît bienêtre une compilation surtout ritualiste et liturgique, il n'est doncpas surprenant qu'il renferme si peu d'informations sur l'au-delà. Ladoctrine de la transmigration se trouve esquissée dans les Brahmanas oùl'obstacle à l'union de l'âme avec le Principe suprême est le samsâra,le cycle des réincarnations qui recule la délivrance à l'infini. Lerite (c'est le sens primitif du mot karman) peut faire quecelui qui meurt renaisse à l'immortalité ; les autres renaissent pourmourir a nouveau, et ceci indéfiniment. Dans la théosophie desUpanishads la doctrine se précise bonheur et malheur ne sont pas dus auhasard, ils sont la rémunération du passé ; la loi du karman ourétribution des actes domine la vie universelle ; ce n'est plus unmécanisme aveugle comme le sacrifice qui gouverne le monde, c'est unepuissance qui tend à devenir morale, sans toutefois cesser d'êtreencore mécanique : la rétribution des oeuvres est en effet rigoureuseet inéluctable ; entre la cause et l'effet il y a un lien intime etconstant, la même cause produit mécaniquement le même effet. Seulementcette doctrine du karman a eu comme conséquence de rendre inutiles lesdieux ; puisque la morale seule règle la destinée des hommes à traversleurs existences, il est inutile de solliciter les dieux. L'âme vad'abord dans l'autre monde dépenser son crédit de mérites ou solder sadette de péchés, sans toutefois l'épuiser ; le reliquat, où s'estconcentrée l'énergie globale, oriente l'âme à son retour sur la terre,détermine la race, l'espèce, la caste, le sexe, la forme. Mais cetteexistence illimitée, ce roulement infini fait que l'Hindou aspire à labéatitude de l'extinction suprême et définitive. Toutes les religionsque l'Inde a enfantées tendent vers le moksha (délivrance) ; la méthodevarie, le but reste le même et les méthodes elles-mêmes se réduisent àla pratique d'une discipline morale ou mentale. Ainsi le Brahmanisme,avec sa doctrine de la transmigration et de la délivrance finale,rendait inutile le sacrifice, qui avait été le centre de l'antiqueVédisme. Le Bouddhisme fit un pas de plus et cessa de faire une placeprivilégiée à la caste sacerdotale des brahmanes dont la raison d'êtreétait de célébrer le sacrifice ; de la sorte il fit descendre lareligion aux castes inférieures qui jusqu'alors ne pouvaient ni lire leVéda ni pratiquer ou faire pratiquer les rites traditionnels.


Notes :
9)Ce terme désigne soit un enseignement recueilli d'un maître auprèsduquel on siège (upa-sad), soit une gnose contemplative, adoration(ups-stha) (Masson-Oursel)
10) Cette doctrine n'est pas absolument spéciale à l'Inde. En Grèceantique, elle était courante ; les Celtes l'ont partagée, les Druidesl'on enseignée ; mais jamais elle n'a eu l'ampleur, la portée, lapopularité, la persistance qu'elle a eues dans l'Inde. (Voir SylvainLévi : La Transmigration des âmes dans les croyances hindoues. Annalesdu Musée Guimet (Bibliothèque de vulgarisation) Paris (Leroux) 1904)
III
DOCTRINE DU BOUDDHISME
Comme le Christ, le Bouddha n'a rien écrit; son enseignement a étéuniquement oral. Il ne parlait pas le sanscrit, mais la languepopulaire de la province de Magadha, le magadhî, proche parent du pâli.Les plus anciennes traditions relatives au Bouddhisme sont conservées àCeylan et consignées dans une langue importée du continent (le pâli) etrévérée comme langue sacrée. Les textes canoniques du Nord, plusrécents dans leur forme actuelle, sont rédigés en sanscrit (11). Demême que le Jaïnisme qui le précéda (12), le Bouddhisme est sorti de lacaste des guerriers, donc d'un élément non brahmanique de la société.Au dogmatisme brahmanique les deux systèmes substituent l'affirmationque le sort de l'homme dépend de ses oeuvres et que l'abstention del'acte est le moyen d'échapper à l'existence. La différencefondamentale qui les sépare, c'est que les Jaïnas croient à lapermanence de l'âme individuelle, tandis que les Bouddhistes la nient -et aussi que, chez les premiers, l'ascétisme joue un rôle bien plusgrand que chez les seconds. Toutefois, ces deux systèmes ne sont pas àproprement parler des hérésies ; l'orthodoxie brahmanique ne lesconsidère pas comme telles, mais seulement comme des disciplinesétrangères à son propre système (13).
KARMA
La pierre angulaire de l'enseignement bouddhique est la doctrine de l'acte (karman)empruntée au Brahmanisme. Il n'y a pas d'effet sans cause toutemanifestation dans le domaine physique ou mental procède d'actionsantérieures et est elle-même l'origine de manifestations ultérieures ;chaque existence individuelle a pour cause et pour explication la sommede toutes les existences antérieures comme elle a pour conséquence etpour sanction toute la suite des existences à venir. En d'autrestermes, une personne n'est que l'incarnation vivante d'activitéspassées, physiques ou psychiques. On ne peut saisir la signification dukarma qu'en considérant l'humanité reliée ensemble comme les partiesd'un tout universel ; l'homme et les manifestations auxquelles sonactivité donne lieu ne sont que des résultats. On le voit, il n'y a pasici de dogme, mais un fait d'expérience confirmé par le raisonnement :en effet, en dehors du "fruit des oeuvres" il est impossibled'expliquer la diversité des conditions et des caractères. De plus,comme nous l'avons vu à propos du Brahmanisme, cette loi de l'acteexplique l'univers sans qu'il soit nécessaire d'admettre unorganisateur du monde. La masse des actes des créatures fait sortirl'univers du chaos après chaque destruction périodique ; les paradissont crées en faveur des êtres qui ont mérité de renaître dieux ; lesenfers, pour punir les crimes auxquels ils sont appropriés. Dans lesystème de Gautama, Dieu ne figure à aucun titre, ni comme causepremière, ni comme providence, ni comme base et sanction de la loimorale, ni comme fin dernière de toute créature. Gautama ne connaît nicréateur ni juge, mais une justice infaillible et souveraine, encoreque mécanique. Il ne nie certes pas l'existence des dieux ; maisceux-ci sont, comme les hommes, soumis au karma et à la renaissance et,comme les hommes, ils ont besoin d'acquérir la sagesse parfaiteincapables donc de se sauver eux-mêmes, ils peuvent encore moins sauverles autres. Au surplus, ils ne sont dieux que provisoirement, à causede leurs mérites antérieurs ; ils devront redevenir hommes, mais ilspeuvent démériter jusqu'à renaître dans les conditions animales et mêmetomber dans les enfer.
IMPERMANENCE ET DOULEUR
Le premier théorème du Bouddhisme est donc la renaissance en fonctiondu mérite ; ce n'est que l'interprétation morale de la croyancepopulaire à la transmigration. Et voici le second : l'existence - mêmel'existence béatifique et presque éternelle du dieu Brahmâ - estmauvaise en soi. Tout ce qui la constitue est essentiellement mobile,changeant ; aucun être, aucune chose n'est à aucun moment semblable àsoi-même ; la personne, humaine ou non, n'est qu'un agrégat d'élémentsdiversement entrelacés qui apparaissent et disparaissent. En dehors deces agrégats il n'y a rien, ni principe fixe, ni âme, ni substancesimple et permanente. La vie n est qu'un composé de phénomènes et ellese répète constamment parce que tout phénomène est à la fois effet etcause et le flot incessant de toutes choses n'a aucun but. Assurément,ces phénomènes sont réels, mais d'une réalité toute momentanée ; toutest impermanent, inconsistant ; un torrent, une flamme qui se consume,voilà les comparaisons les plus fréquentes dans les anciens textes ; ceque nous appelons un être animé n'est qu'une flamme dans une mer deflammes, une vase dans l'immense océan. Â la mort de tout être, humainou non, les éléments dont il est composé périssent ; rien ne luisurvit, sinon l'influence de son karma, résultat de ses oeuvres enpensée ou en action et, par cette force, un nouveau groupe d'élémentsprend naissance, un nouvel individu surgit, lequel est à la fois lemême et un autre que celui qui est mort (14). Toutefois, cettesubstitution est si rapide que pratiquement on n'en tient pas compte ;le Bouddha, comme les saints parvenus à l'omniscience, se souviennentet parlent de leurs existences antérieures, comme s'ils étaient restéstoujours eux-mêmes en passant de l'une à l'autre. Quoi qu'il en soit,c'est dans cette oscillation perpétuelle, gouvernée par la loinaturelle de la causalité, que consiste toute la réalité des choses dece monde. Il importe ici de prévenir une interprétation erronée. Uncertain nombre d'indianistes ont déclaré que le Bouddhisme renferme unecontradiction fondamentale, en effet, disent-ils, il nie le "moi" et ilaffirme que la destinée de l'être est conditionnée par ses actes. S'iln'y a pas de "moi", qui mérite ou démérite ? qui est l'objet d'unerétribution ? qui passe d une existence à une autre ?
En réalité, le Bouddhisme ne nie pas le "moi" ou l'esprit ; il nie lecaractère absolu de l'esprit ou du "moi" ; pour lui, le "moi" n'est niconsistant ni substantiel, il est un simple phénomène, une successionde phénomènes connexes enchaînés à un univers qui n'est lui-même qu'unphénomène fait de vicissitudes toujours changeantes (15). En d'autrestermes, le "moi" existe bien, mais il n'y a pas d'âme immuable. Decette impermanence vient la douleur et cette douleur est accrue encorepar l'illusion que l'homme a de sa permanence, c'est-à-dire del'existence réelle de son "moi". La vie, avec son flux et son reflux,est mauvaise, elle est douleur et cette douleur est projetée dansl'éternité et multipliée à l'infini par le dogme de la transmigration.Où est le remède ? Ce n'est pas le suicide (16) qui est considéré commeun des plus grands crimes et qui est suivi d'une nouvelle existenceencore plus malheureuse ; ce n'est pas non plus la dévotion ou lesaustérités religieuses comme le prétendaient les brahmanes. Le remèdeconsiste pour l'homme a saisir la vérité de cette impermanence de toutce qu'il considérait être lui et à lui, à sortir de cette mobilité etde cette inconsistance de toutes choses. Ceci est possible par laconnaissance des
QUATRE vérités SAINTES qui sont le noyau central du sermon de Bénarès, le résumé du Bouddhisme tout entier.
1) l'existence de la douleur. Exister, c'est souffrir ;
2) la cause de la douleur. Cette cause est dans le désir qui grandit par la satisfaction même ;
3) la cessation de la douleur. Cette cessation est possible, elle est obtenue par la suppression du désir ;
4)la voie qui conduit à cette suppression. Cette voie, c'est laconnaissance et l'observation de la "Bonne Loi", la pratique de ladiscipline et de la morale du Bouddhisme (17).
Donc, le centre de la prédication du Bouddha est non pas un système relatif à l'origine du monde et à la nature de la Cause première, mais la délivrance de la douleur et la voie qui mène a cette délivrance,Gautama veut aller au plus pressé : porter remède à l'universelle douleur ; les systèmes philosophiques ne sont que des hypothèse
Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Blog VOM : Géopolitique - Mondialisation - Société- Religions - Spiritualité - Actualité...
Blog VOM : Géopolitique  - Mondialisation - Société- Religions  - Spiritualité - Actualité...
Archives
Derniers commentaires
Publicité