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Blog VOM : Géopolitique - Mondialisation - Société- Religions - Spiritualité - Actualité...
13 juin 2015

Histoire de l4eglise (4 à 5)

 
CHAPITRE 4 : INSTALLATION DE SION AU MISSOURI
Premières années au Missouri
Au moment où tous les saints s'efforçaient d'édifier le royaume de Dieu à Kirtland, beaucoup de membres de l'Église connaissaient de grandes épreuves au comté de Jackson.
Quand on les y avait appelés, les saints qui habitaient à Colesville (New York) n'avaient pas hésité à partir de chez eux pour se rassembler à Kirtland (voir Chapitre 2, «Persécutions à Colesville»). Arrivés en Ohio à la mi-mai 1831, ils constatèrent que les terres qui leur avaient été réservées n'étaient pas disponibles. Joseph Smith invoqua le Seigneur pour lui exposer la détresse de ces saints. Il venait de recevoir une révélation qui lui commandait, à lui, à Sidney Rigdon et à 28 autres anciens d'aller faire une mission au Missouri, et le Seigneur commanda que les saints de Colesville se rendent aussi «vers le pays de Missouri» (D&A 54:8). C'était le premier groupe de saints à s'installer dans le pays qui allait prendre le nom de Sion.
Newel Knight, président de la branche de Colesville, rassembla immédiatement son peuple. Emily Coburn raconte: «Nous étions véritablement un groupe de pèlerins partis à la recherche d'un pays meilleur[1].» A Wellsville (Ohio), ils montèrent à bord d'un bateau à vapeur et, via les fleuves Ohio, Mississippi et Missouri, voyagèrent jusqu'au comté de Jackson (Missouri). Le capitaine du vapeur dit qu'ils furent «les émigrants les plus paisibles et les plus calmes qu'ils eussent jamais transportés dans l'Ouest ; ‘pas de grossièreté, pas de vilains mots, pas de jeu d'argent, pas de boisson’[2]
Empruntant la voie de terre, le prophète et d'autres dirigeants de l'Église précédèrent les saints de Colesville pour prendre les dispositions nécessaires pour les installer dans le comté de Jackson.
Le groupe du prophète arriva le 14 juillet 1831 à Independence. Après avoir contemplé la région et avoir prié pour être dirigé par Dieu, le prophète dit: «[Le Seigneur] s'est manifesté» à moi et nous a désigné, à moi-même et à d'autres, l'endroit même où il voulait commencer l’œuvre du rassemblement et l'édification d'une ville sainte qui serait appelée Sion[3]
Cette révélation spécifiait que le Missouri était le lieu voulu par le Seigneur pour le rassemblement des saints et que «l'endroit que l'on appelle maintenant Independence en est le centre ; et un lieu pour le temple se trouve à l'ouest sur une parcelle qui se trouve non loin du tribunal» (D&A 57:3). Les saints devaient acheter toutes les terres situées à l'ouest de la ville jusqu'à la frontière entre l'Etat du Missouri et le territoire indien (voir D&A 57:1-5).
Joseph Smith et l'évêque Partridge achetèrent des terres pour la branche de Colesville dans la commune de Kaw, à vingt kilomètres à l'ouest d'Independence. Le 2 août 1831, après l'arrivée des membres de la branche, on organisa une cérémonie empreinte de symbolisme. Douze hommes, représentant les douze tribus d'Israël, transportèrent un tronc de chêne fraîchement coupé et le placèrent en travers d'une pierre posée par Oliver Cowdery, posant ainsi les fondements symboliques de l'installation de Sion. Les saints utilisèrent cet humble début pour construire un bâtiment qui fut utilisé comme église et comme école[4].
Le lendemain, un certain nombre de frères se rassemblèrent en un lieu élevé à huit cents mètres du tribunal d'Independence. Joseph Smith posa la pierre angulaire du temple envisagé et le consacra au nom du Seigneur. L'élément central du pays de Sion devait être la maison du Seigneur[5].
Le prophète retourna à Kirtland, et les saints du comté de Jackson commencèrent à recevoir des lopins de terre de l'évêque Edward Partridge. Ils étaient très pauvres et n'avaient même pas de tentes pour se protéger des éléments pendant qu'ils construisaient leurs cabanes. Ils étaient presque entièrement démunis d'instruments aratoires et il fallut envoyer des attelages jusqu'à Saint-Louis, situé à près de trois cent cinquante kilomètres à l'est, pour se les procurer. Une fois que les saints furent équipés, ils commencèrent à labourer pour semer.
Fortement impressionnée par ce qu'elle voyait, Emily Coburn raconta: «C'était vraiment un étrange spectacle que de voir quatre ou cinq attelages de bœufs retourner la terre fertile. La construction de clôtures et les autres travaux se succédèrent rapidement. Des cabanes furent construites et aménagées pour les familles aussi vite que le temps, l'argent et la main-d’œuvre le permettaient[6]
En dépit de l'inconfort de la frontière, les saints de Colesville restaient joyeux et heureux. Parley P. Pratt, qui s'était installé avec eux, dit: «Nous connûmes beaucoup de moments heureux dans nos réunions de prière et autres, et l'Esprit du Seigneur se déversa sur nous, même sur les petits enfants, de sorte que beaucoup d'enfants de huit, dix ou douze ans parlaient, priaient et prophétisaient à nos réunions et dans notre culte familial. Il y avait un esprit de paix et d'union, d'amour et de bonne volonté, qui se manifestait dans cette petite Eglise du désert, dont le souvenir sera toujours très cher à mon cœur.»[7]
En avril 1832, les saints eurent la bénédiction d'avoir une deuxième visite du prophète et de Sidney Rigdon. Ces dirigeants venaient de connaître une expérience très douloureuse à la ferme de John Johnson, à Hiram (Ohio), où ils avaient travaillé à la traduction de la Bible. Les ennemis de l'Église s'étaient rassemblés et avaient traîné Joseph Smith hors de chez lui pendant la nuit. Ils l'avaient étouffé, lui avaient arraché ses vêtements et lui avaient enduit le corps de goudron et de plumes. Sidney Rigdon avait été traîné par les chevilles sur une terre gelée et rugueuse, et il en avait eu la tête gravement lacérée.
Maintenant, par contraste avec ces mauvais traitements, ils étaient en sécurité auprès de leurs amis. Joseph affirma qu'il eut un accueil que ne connaissent que des frères et des sœurs totalement unis par la même foi et par le même baptême et soutenus par le même Seigneur. Il ajouta: «La branche de Colesville, en particulier, se réjouit comme les saints d'autrefois quand ils recevaient Paul. C'est bon de se réjouir avec le peuple de Dieu[8]
Persécutions dans le comté de Jackson
Conformément au commandement du Seigneur, frère Partridge, l'évêque, acheta des centaines d'hectares de terres dans le comté de Jackson pour les nombreux saints qui émigraient d'Ohio et d'ailleurs.
Les dirigeants créèrent d'abord pour ces membres les branches d'Independence, de Colesville, de Whitmer, de Big Blue et de Prairie. Dix branches au total avaient été créées dès la fin de 1833[9]. Il y eut probablement plus de mille saints présents lorsque les branches regroupées se réunirent en avril 1833 à la Big Blue River pour fêter le troisième anniversaire de la fondation de l'Église. Newel Knight dit que ce rassemblement était la première commémoration de son espèce en Sion et que les saints se réjouissaient tous. Il fit cependant également la réflexion: «Quand les saints se réjouissent, le démon est furieux, et ses enfants et ses serviteurs s'imbibent de son esprit[10]
Le mois d'avril n’était pas terminé que les persécutions commençaient. Dans un premier temps, les citoyens locaux avertirent les membres de l'Église qu'ils étaient mécontents de l'arrivée de tant de saints des derniers jours qui, craignaient-ils, n’allaient pas tarder à les écraser lors des élections. Les saints étaient essentiellement des Etats du Nord et, d'une manière générale, opposés à l'esclavage des Noirs, qui était à ce moment-là légal dans l'Etat du Missouri. Le fait que les saints croyaient au Livre de Mormon, qu'ils affirmaient que le comté de Jackson serait un jour leur Sion et qu'ils étaient dirigés par un prophète dérangeait beaucoup. De plus l'accusation qu'ils avaient des contacts avec les Indiens provoquait les soupçons des citoyens locaux.
L'opposition fit passer une circulaire, parfois appelée la constitution secrète, pour obtenir la signature de ceux qui étaient disposés à éliminer le «fléau mormon». Cette animosité atteignit son point culminant le 20 juillet 1833, lorsque quatre cents émeutiers se réunirent au tribunal d'Independence pour coordonner leurs efforts. Des exigences écrites furent présentées aux dirigeants de l'Église pour le départ des saints du comté de Jackson, pour qu'ils cessent d'imprimer leur journal, The Evening and the Morning Star, et ne permettent plus à aucun membre de l'Église d'entrer dans le comté de Jackson. Quand les émeutiers apprirent que les dirigeants de l'Église ne voulaient pas se soumettre à ces exigences illégales, ils attaquèrent le bureau du journal, qui était aussi la maison du rédacteur en chef, William W. Phelps. Les assaillants volèrent la presse et démolirent le bâtiment.
Destruction du Livre des commandements
L'ouvrage le plus important en cours d'impression était le Livre des commandements, première compilation des révélations reçues par Joseph Smith, le prophète. Quand les émeutiers attaquèrent le bâtiment, ils jetèrent les pages non reliées du livre dans la rue. Voyant cela, deux jeunes saintes des derniers jours, Mary Elizabeth Rollins et sa sœur, Caroline, sauvèrent ce qu'elles purent au péril de leur vie. Mary Elizabeth raconte:
«[Les émeutiers] sortirent avec de grandes feuilles de papier et dirent: ‘Voilà les commandements mormons.’ Ma sœur Caroline et moi, nous nous trouvions au coin d'une clôture, à les regarder; quand ils parlèrent des commandements, je résolus d'en récupérer quelques-uns. Ma sœur dit que si j'allais en chercher, elle irait aussi mais ajouta: ‘Ils vont nous tuer.’» Pendant que les émeutiers étaient occupés à une extrémité de la maison, les deux fillettes coururent et se remplirent les bras des précieuses feuilles. Les émeutiers les virent et leur ordonnèrent de s'arrêter. Mais, raconte Elizabeth: «Nous courûmes le plus vite possible. Deux d'entre eux se mirent à notre poursuite. Voyant un trou dans une clôture, nous nous glissâmes dans un grand champ de maïs, déposâmes les papiers sur le sol et les cachâmes en dessous de nous. Le maïs avait un mètre cinquante à un mètre quatre-vingt de haut et était très épais: ils nous cherchèrent partout et arrivèrent tout près de nous mais ne nous trouvèrent pas.»
Lorsque les voyous furent partis, les fillettes se glissèrent jusqu'à une vieille grange de rondins. Elles y trouvèrent, comme le raconte Mary Elizabeth, sœur Phelps et les enfants, occupés à apporter des broussailles et à les entasser d'un côté de la grange pour y mettre leurs lits. Elle poursuit: «Elle me demanda ce que j'avais ; je le lui dis. Elle me prit alors les feuilles. On les relia et on en fit de petits livres, et l'on m'en envoya un que je conservai avec grand soin[11]
L'évêque Partridge est enduit de goudron et de plumes
Les émeutiers s'emparèrent ensuite d'Edward Partridge, l'évêque, et de Charles Allen. On les emmena sur la place publique d'Independence et on leur commanda de renier le Livre de Mormon et de quitter le comté. L'évêque Partridge dit: «Je leur dis que les saints avaient subi des persécutions à toutes les époques du monde, que je n'avais rien fait pour offenser qui que ce fût, que s'ils me maltraitaient, ils maltraiteraient un innocent; que j'étais disposé à souffrir pour l'amour du Christ, mais que pour ce qui était de quitter le pays, je n'étais pas à ce moment-là disposé à y consentir.»  
Sur ce refus, les deux hommes furent dépouillés de leurs vêtements extérieurs et on leur recouvrit le corps de goudron et de plumes. Frère Partridge raconte: «Je supportai mes mauvais traitements avec tant de résignation et d'humilité que cela parut stupéfier la multitude, qui me permit, en silence, de me retirer, beaucoup ayant un air très solennel, leur sympathie ayant été, pensais-je, touchée. Quant à moi, j'étais à ce point rempli de l'Esprit et de l'amour de Dieu que je n'avais pas de haine vis-à-vis de mes persécuteurs ni de personne d'autre[12]
Bataille de la Big Blue
Les émeutiers revinrent le 23 juillet, et les dirigeants de l'Église se proposèrent comme rançon s'ils ne faisaient pas de mal au peuple. Mais les émeutiers menacèrent de s'attaquer à l'Église entière et obligèrent les frères à convenir que tous les saints des derniers jours quitteraient le comté. Etant donné que le comportement des émeutiers était illégal, contraire à la Constitution des Etats-Unis et à celle de l'Etat du Missouri, les dirigeants de l'Église demandèrent l'aide de Daniel Dunklin, gouverneur de l'Etat. Il les informa de leurs droits de citoyens et invita les saints à avoir recours à un avocat. Alexander W. Doniphan et d'autres furent engagés pour représenter les membres de l'Église, mesure qui ne fit que rendre les émeutiers plus furieux.
Les saints des derniers jours essayèrent tout d'abord d'éviter l'affrontement direct ; mais comme les membres se faisaient rouer de coups et que l'on détruisait les biens, cela finit par une bataille près de la Big Blue River. Deux émeutiers furent tués et les saints perdirent Andrew Barber. Philo Dibble fut touché à trois reprises à l'estomac. Newel Knight fut appelé à lui faire l'imposition des mains avec des résultats miraculeux. Frère Dibble raconte:
«Newel Knight vint me voir et s'assit à mon chevet... Je sentis l'Esprit reposer sur moi au sommet de ma tête avant que sa main ne me touche, et je sus immédiatement que j'allais être guéri... Je me levai immédiatement et vomis trois litres de sang ou davantage avec des morceaux de vêtements qui avaient été introduits dans mon corps par les balles. Ensuite je m'habillai et sortis... A partir de ce moment-là, je ne perdis plus une seule goutte de sang, et dès lors, mes blessures ne me causèrent plus la plus moindre souffrance ni le moindre inconfort, si ce n’est que je me sentais un peu affaibli par la perte de sang[13]
Le gouverneur Dunklin intercéda et commanda au colonel Thomas Pitcher de désarmer les deux partis. Mais la sympathie du colonel Pitcher allait aux émeutiers, et il prit leurs armes aux saints et les livra aux émeutiers. Les saints sans défense furent attaqués et leurs maisons détruites. Les hommes durent chercher refuge dans les bois et certains se firent rouer de coups. Finalement les dirigeants de l'Église invitèrent le peuple à prendre ses affaires et à fuir le comté de Jackson.
Refuge dans le comté de Clay
A la fin de 1833, la majorité des saints traversèrent le fleuve Missouri et se dirigèrent vers le nord et le comté de Clay, où ils trouvèrent un refuge temporaire décrit comme suit par Parley P. Pratt:
«Le rivage commençait à se couvrir des deux côtés du bac d'hommes, de femmes et d'enfants, d'effets, de chariots, de boîtes, de provisions, etc., et le bac était constamment à l’œuvre; et quand la nuit se referma de nouveau sur nous, les bords du fleuve, avec leurs peupliers de Virginie, ressemblaient à une assemblée religieuse de plein air. Dans toutes les directions, on voyait des centaines de personnes, certaines dans des tentes, d'autres à l’air libre, autour de leur feu, tandis que la pluie tombait à torrents. Des maris demandaient leurs femmes, des femmes leurs maris, des parents leurs enfants et des enfants leurs parents. Certains avaient la borne fortune de s'échapper avec leurs familles, leurs affaires et leurs provisions ; tandis que d'autres ne connaissaient pas le sort de leurs amis et avaient perdu tous leurs biens. La scène... aurait... attendri le cœur de n'importe qui sur terre, sauf nos oppresseurs aveugles et une communauté aveugle et ignorante[14]
La possibilité d'édifier Sion et un temple à leur Dieu dans le comté de Jackson était ainsi temporairement arrachée aux saints. Quelque douze cents membres de l'Église faisaient maintenant le nécessaire pour survivre à un hiver inhospitalier près du fleuve dans le comté de Clay.
Certains s'abritèrent dans les caisses de chariot, sous des tentes ou des abris creusés au flanc des collines, tandis que d'autres occupaient des cabanes abandonnées. Newel Knight passa l'hiver dans une hutte indienne.
L'un des premiers bâtiments construits par les saints dans le comté de Clay fut une petite église de rondins pour y adorer. Ils «n’oublièrent pas de rendre grâces au Dieu Tout-puissant de les avoir délivrés des mains de leurs vils ennemis et de demander sa protection pour l'avenir, d'adoucir le cœur des gens auprès de qui ils s'étaient enfuis, afin de trouver parmi eux de quoi subvenir à leurs besoins[15]».
Persécutions contre le camp de Sion
Comme décrit au chapitre 3, le Seigneur avait commandé à Joseph Smith de rassembler un groupe d'hommes qui devaient aller de Kirtland au Missouri pour aider les saints qui avaient été chassés de leurs terres du comté de Jackson. Quand le camp de Sion arriva, vers la fin juin 1834, dans l'est du comté de Clay, plus de trois cents émeutiers missouriens allèrent à sa rencontre, décidés à le détruire. Sous la direction de Joseph Smith, les frères dressèrent le camp sur le confluent des Little et Big Fishing Rivers.
Les émeutiers lancèrent leur attaque à coups de canon, mais le Seigneur combattait pour les saints. Des nuages se formèrent rapidement dans le ciel. Le prophète écrit: «Il se mit à pleuvoir et à grêler... L'orage fut formidable ; le vent et la pluie, la grêle et le tonnerre s'abattirent sur eux avec une grande fureur, ne tardèrent pas à ramollir leur sinistre courage et contrarièrent tout leur dessein de ‘tuer Joe Smith et son armée’... Ils se glissèrent en dessous des chariots, dans des arbres creux, se serrèrent dans une vieille baraque, etc., jusqu'à ce que l'orage fût terminé, et à ce moment-là leurs munitions étaient détrempées.» Après avoir subi toute la nuit le martèlement de l'orage, «la troupe aux espoirs déçus prit le chemin du retour vers Independence, pour rejoindre le gros des émeutiers, bien convaincue... que quand Jéhovah combat, il vaut mieux être ailleurs... On aurait dit que l'ordre de contre-attaquer avait été lancé par le Dieu des batailles pour empêcher que ses serviteurs ne fussent détruits par leurs ennemis[16]
Quand il s'avéra qu'une armée d'émeutiers attendait les saints et que le gouverneur Dunklin ne tiendrait pas sa promesse de les aider, le prophète pria le Seigneur pour obtenir ses instructions. Le Seigneur lui dit que le moment n'était pas favorable pour racheter Sion. Les saints avaient beaucoup à faire pour préparer leur vie personnelle pour l'édification de Sion. Beaucoup d'entre eux n'avaient pas encore appris à obéir à ce que le Seigneur exigeait: «Sion ne peut être édifiée que sur les principes de la loi du royaume céleste ; autrement je ne puis la recevoir en moi. Et il faut que mon peuple soit châtié jusqu'à ce qu'il apprenne l'obéissance, s'il le faut, par les choses qu'il endure» (D&A 105:5-6).
Le Seigneur dit que le camp de Sion ne devait pas poursuivre son objectif militaire: «En conséquence des transgressions de mon peuple, il me convient que mes anciens attendent encore un peu la rédemption de Sion, afin qu'ils soient eux-mêmes préparés, que mon peuple soit instruit plus parfaitement» (D&A 105:9-10). Les frères du camp de Sion reçurent leur relève honorable, et le prophète retourna à Kirtland.
Le siège de l'Eglise à Far West
La plupart des saints du Missouri restèrent dans le comté de Clay jusqu'en 1836 ; à ce moment-là, les citoyens du comté leur rappelèrent qu'ils avaient promis de ne rester que jusqu'à ce qu'ils puissent retourner dans le comté de Jackson. Comme cela semblait maintenant impossible, on leur demandait de partir comme promis. Légalement les saints n'étaient pas obligés d'obéir, mais plutôt que de susciter un conflit, ils déménagèrent de nouveau. Grâce aux efforts d'Alexander W. Doniphan, l'ami qu'ils avaient au gouvernement de l'Etat, deux nouveaux comtés, appelés Caldwell et Daviess, furent créés en décembre 1836 à partir du comté de Ray. Les saints furent autorisés à créer leur propre ville, Far West, à environ cent kilomètres du comté de Clay, pour en faire le siège du comté de Caldwell. Les principaux officiers du comté étaient saints des derniers jours, et beaucoup de personnes espéraient que cela mettrait fin aux persécutions contre les saints.
Après un voyage difficile depuis Kirtland, Joseph Smith arriva à Far West en mars 1838 et y installa le siège de l'Église. En mai, il se rendit au comté de Daviess, situé plus au nord, et, pendant qu'il se trouvait près de la Grand River, il identifia prophétiquement la région comme étant la vallée d'Adam-ondi-Ahman, le «lieu où Adam viendra visiter son peuple» (D&A 116:1)[17]. Adam-ondi-Ahman devint la principale localité des saints du comté de Daviess. Les pierres angulaires d'un temple furent consacrées le 4 juillet 1838 à Far West, et les saints commencèrent à éprouver le sentiment qu'ils avaient enfin un répit de leurs ennemis.
Bataille de la Crooked River
Mais les persécutions recommencèrent bientôt. Le 6 août 1838, une centaine d'émeutiers, lors des élections de Gallatin (comté de Daviess) interdirent aux saints de voter. Cela donna lieu à une rixe au cours de laquelle plusieurs personnes furent blessées. Les désordres croissants entretenus par les émeutiers des comtés de Caldwell et de Daviess poussèrent Lilburn W. Boggs, gouverneur de l'Etat, à faire intervenir la milice afin de maintenir l'ordre.
Le capitaine Samuel W. Bogart, un des officiers de la milice, était en réalité étroitement lié aux émeutiers. Il décida de provoquer un conflit en kidnappant trois saints des derniers jours et en les retenant dans son camp sur la Crooked River, dans le nord-ouest du comté de Ray. Une compagnie de la milice des saints des derniers jours fut envoyée pour les délivrer et une violente bataille eut lieu le 25 octobre 1838. Le capitaine David W. Patten, un des douze apôtres, dirigeait la compagnie et fut parmi ceux qui furent mortellement blessés dans l'escarmouche. Phoebe Ann Patten, femme de David, Joseph et Hyrum Smith et Heber C. Kimball vinrent de Far West pour être avec lui avant sa mort.
Heber dit à propos de David Patten: «Les principes de l'Evangile qui étaient si précieux pour lui auparavant, lui fournirent le soutien et la consolation dont il avait besoin au moment de son départ, ce qui dépouillait la mort de son aiguillon et de son horreur.» Le mourant parla à ceux qui se trouvaient à son chevet de certains saints qui avaient abandonné leur fermeté pour tomber dans l'apostasie et s'exclama: ‘Oh s'ils pouvaient être dans ma situation! Car j'ai le sentiment d'avoir gardé la foi.’ «Il s'adressa ensuite à Phoebe Ann, disant: ‘Quoi que tu fasses d'autre, oh ne renie pas la foi.’ «Juste avant de mourir, il fit une prière: ‘Père, je te demande, au nom de Jésus-Christ, de libérer mon esprit et de me recevoir auprès de toi.’ Puis, il supplia ceux qui l'entouraient: ‘Mes frères, vous m'avez retenu par votre foi, mais abandonnez et laissez-moi partir, je vous en supplie.’» Frère Kimball dit: «Nous le confiâmes par conséquent à Dieu, et il rendit bientôt le dernier soupir et s'endormit en Jésus sans un gémissement[18]
La compagnie du capitaine Bogart avait agi plus comme un groupe d'émeutiers que comme une milice d'État. Cela n'empêcha pas le gouverneur Lilburn W. Boggs d'utiliser la mort d'un membre de la milice, lors de la bataille de la Crooked River, ainsi que d'autres rapports, pour donner son infâme «ordre d'extermination». Ce décret, en date du 27 octobre 1838, disait entre autres: «Les mormons doivent être traités comme des ennemis et doivent, si nécessaire, être exterminés ou chassés de l'Etat, pour le bien public. Leurs outrages dépassent toute description[19].» Un officier de la milice fut chargé d'exécuter l'ordre du gouverneur.
Massacre de Haun's Mill
Le 30 octobre 1838, trois jours après la publication de l'ordre d'extermination, quelque deux cents hommes lancèrent une attaque surprise contre une petite communauté de saints à Haun's Mill, sur le Shoal Creek, dans le comté de Caldwell. Les assaillants invitèrent par traîtrise ceux qui souhaitaient se sauver à courir se réfugier dans la forge. Ils prirent alors position autour du bâtiment et tirèrent dessus jusqu'au moment où ils pensèrent que tous ceux qui étaient à l'intérieur étaient morts. D'autres furent abattus tandis qu'ils essayaient de fuir. En tout 17 hommes et garçons furent tués et 15 blessés.
Après le massacre, Amanda Smith se rendit à la forge où elle trouva son mari, Warren, et un de ses fils, Sardius, morts. Au milieu de ce carnage, elle trouva à son immense joie un autre de ses fils, le petit Alma, toujours vivant, quoique grièvement blessé. Sa hanche avait été arrachée par un coup de mousquet. Comme la plupart des hommes étaient morts ou blessés, Amanda s'agenouilla et supplia le Seigneur de l'aider.
«O mon Père céleste, m'écriai-je, que vais-je faire? Tu vois mon pauvre garçon blessé et tu connais mon manque d'expérience. O Père céleste, montre-moi ce que je dois faire!» Elle dit qu'elle fut «dirigée comme par une voix» qui lui apprit à faire une bouillie avec les cendres et à nettoyer la blessure. Elle fit ensuite un cataplasme d'écorce d'orme et en remplit la blessure. Le lendemain, elle versa le contenu d'une bouteille de baume dans la blessure.
Elle dit à son fils:
«Alma, mon enfant... crois-tu que le Seigneur a fait ta hanche?
«Oui, maman.
«Alors le Seigneur peut fabriquer quelque chose là à la place de ta hanche, ne crois-tu pas ?
«Tu penses que le Seigneur peut le faire, maman?» demanda l'enfant dans sa simplicité.
«Oui, mon enfant, répondit-elle. Il m'a montré tout cela en vision.»
Elle le posa alors confortablement sur le ventre et dit: «Reste comme cela, et ne bouge pas, et le Seigneur te fera une nouvelle hanche.»
«Alma resta ainsi sur le ventre pendant cinq semaines, jusqu'à ce qu'il fût complètement guéri, un cartilage souple s'étant formé à la place de l'articulation disparue[20]
La tâche horrible de s'occuper de l'enterrement de leurs proches échut à Amanda et à d'autres. II ne restait qu'un petit nombre d'hommes valides, dont Joseph Young, frère de Brigham Young. Comme ils craignaient le retour des émeutiers, ils n'avaient pas le temps de creuser des tombes classiques. On jeta les corps dans un puits asséché transformé en charnier. Joseph Young aida à transporter le corps du petit Sardius mais déclara «qu'il ne pouvait pas jeter ce garçon dans cette horrible tombe». Il avait joué avec ce «garçon intéressant» pendant le voyage au Missouri, et Joseph était «d’une nature si tendre» qu'il ne pourrait le faire. Amanda enveloppa Sardius dans un drap et le lendemain elle plaça avec Willard, un autre de ses fils, le corps dans le puits. On jeta par-dessus de la terre et de la paille pour couvrir l'atroce tableau[21].
A Adam-ondi-Ahman, Benjamin E Johnson, âgé de vingt ans, se vit épargner le même traitement de la part d'un Missourien décidé à l'abattre. Il avait été arrêté et gardé à vue pendant huit jours, par un froid intense, devant un feu de camp. Pendant qu'il était assis sur un tronc, une «brute» s'approcha de lui, fusil en main, et dit: «Renonce immédiatement au mormonisme, sinon je te descends.» Benjamin refusa fermement, et là-dessus le bandit le mit en joue et pressa la détente. Le fusil s'enraya. L’homme lança une bordée d'injures et déclara qu'il «se servait du fusil depuis vingt ans et qu’il n'avait encore jamais eu de raté». Il examina le chien du fusil, rechargea l'arme, visa et pressa de nouveau la détente... sans résultat.
Il recommença la même manœuvre et essaya une troisième fois, mais avec le même résultat. Un spectateur lui dit de «vérifier un peu son fusil» et qu'alors il pourrait «tuer la petite ordure». Le candidat assassin se prépara, allant jusqu'à introduire un nouveau chargement. Mais, raconte Benjamin: «Cette fois, le fusil explosa et tua le misérable sur le coup.» On entendit un des Missouriens dire: «Il vaut mieux ne pas essayer de tuer cet homme-là[22]
Le prophète emprisonné
Peu après le massacre de Haun's Mill, Joseph Smith, le prophète, et d'autres dirigeants furent faits prisonniers par la milice de l'Etat. Une cour martiale eut lieu, et le prophète et ses amis furent condamnés à être fusillés, le lendemain matin, par un peloton d'exécution, sur la place publique de Far West. Mais Alexander W. Doniphan, général de la milice, refusa d'exécuter l'ordre, en qualifiant la décision de «meurtre de sang-froid». Il avertit le général commandant la milice que s'il persistait dans sa volonté de tuer ces hommes, il l'en tiendrai pour responsable, avec l'aide de Dieu, devant un tribunal terrestre[23]
Le prophète et les autres furent tout d'abord emmenés à Independence, puis envoyés à Richmond (comté de Ray), où ils furent mis en prison en attendant leur jugement. Parley P. Pratt était l'un de ceux qui accompagnaient le prophète. Il dit qu'un soir les gardes provoquaient les prisonniers en racontant leurs exploits de viol, de meurtre et de pillage parmi les saints des derniers jours. Il savait que le prophète était éveillé à côté de lui et écrit que Joseph se mit soudain debout et réprimanda les gardes avec une grande puissance:
«SILENCE, démons du gouffre infernal! Au nom de Jésus-Christ, je vous réprimande et je vous commande de vous taire. Je ne vivrai pas un instant de plus pour entendre pareil langage. Cessez ce genre de conversation ou bien vous ou moi mourrons A L'INSTANT!'
«Il cessa de parler! Il se tenait droit avec une majesté terrible. Enchaîné et sans armes, calme, serein et digne comme un ange, il posait les yeux sur les gardes tremblants, qui baissèrent leurs armes ou les laissèrent tomber par terre, et qui, se blottissant dans un coin ou rampant à ses pieds, lui demandèrent pardon et restèrent silencieux jusqu'à la relève de la garde.»
Parley ajoute cette réflexion: «J'ai essayé de concevoir des rois, des cours royales, des trônes et des couronnes, et des empereurs assemblés pour décider du destin de royaumes ; mais la dignité et la majesté, je ne les ai vues qu'une seule fois, tandis qu'elles étaient enchaînées, à minuit, dans un cachot d'un village obscur du Missouri[24]
Lorsque l'instruction eut été terminée, Joseph et Hyrum Smith, Sydney Rigdon, Lyman Wight, Caleb Baldwin et Alexander McRae furent envoyés à la prison de Liberty dans le comté de Clay, où ils arrivèrent le 1er décembre 1838. Le prophète décrit ainsi leur situation: «Nous sommes gardés nuit et jour sous la surveillance d'une forte garde dans une prison aux murs et aux portes doubles, sous l'interdiction d'exercer notre liberté de conscience ; notre nourriture est rare... On nous oblige à dormir sur un sol couvert de paille et sans couvertures suffisantes pour nous tenir chaud... Les juges nous ont dit gravement de temps à autre qu'ils savaient que nous étions innocents et devrions être libérés, mais qu'ils n'osaient pas nous appliquer la loi, par peur des émeutiers[25]
Exode en Illinois
Tandis que leur prophète restait emprisonné, plus de huit mille saints traversèrent le Missouri en direction de l'Est pour entrer en Illinois et échapper à l'ordre d'extermination. Ils furent obligés de partir en plein hiver, et bien que Brigham Young, président du Collège des Douze, les dirigeât et leur apportât toute l'aide possible, ils souffrirent considérablement. La famille de John Hammer fut une des nombreuses qui cherchèrent refuge. John décrit sa situation pénible:
«Je ne me souviens que trop des souffrances et des cruautés de cette époque. Notre famille avait un seul chariot et un seul cheval aveugle, et c'était tout ce que nous possédions en fait d'attelage, et cet unique cheval aveugle dut transporter nos affaires jusqu'à l'Etat d'Illinois. Nous échangeâmes notre chariot avec un frère qui avait deux chevaux, contre un chariot léger à un cheval, ce qui faisait l'affaire des uns et des autres. Nous mîmes dans ce petit chariot nos vêtements, notre literie, un peu de farine de maïs et les maigres provisions que nous pouvions rassembler, et nous nous mîmes en route à pied dans le froid et le gel, mangeant et dormant au bord de la route à la belle étoile. Mais les morsures de ces nuits glaciales et les vents perçants étaient moins barbares et moins impitoyables que les démons à visage humain dont nous fuyions la furie... Nos enfants, comme beaucoup d'autres, allaient presque pieds nus, et certains avaient dû s'envelopper les pieds de tissus pour les empêcher de geler et les protéger des aspérités du sol gelé. Le moins qu'on puisse en dire c'est que c'était là une protection insuffisante, et souvent le sang qui coulait de nos pieds tachait la terre gelée. Ma mère et ma sœur étaient les seuls membres de notre famille à avoir des souliers, et ceux-ci étaient usés et presque inutilisables avant que nous n’ayons atteint le rivage alors hospitalier de l'Illinois[26]
CHAPITRE 5 : SACRIFICES ET BENEDICTIONS A NAUVOO
Les saints des derniers jours qui étaient parvenus jusqu'en Illinois reçurent un accueil chaleureux des généreux citoyens de la ville de Quincy. Lorsque Joseph Smith fut rentré de son emprisonnement à la prison de Liberty, les saints remontèrent le Mississippi sur environ cinquante kilomètres. Ils asséchèrent les vastes marécages de la région et commencèrent à construire la ville de Nauvoo dans une boucle du fleuve. Comme les saints s'y rassemblaient de tous les coins des Etats-Unis, du Canada et d'Angleterre, la ville ne tarda pas à être une ruche bourdonnante d'activité et de commerce. En quatre ans, elle était devenue une des plus grandes vines d'Illinois.
Les membres de l'Église connurent une paix relative, se sentant rassurés par le fait qu'un prophète vivait et oeuvrait parmi eux. Des centaines de missionnaires appelés par le prophète quittèrent Nauvoo pour proclamer l'Evangile. On construisit un temple, on reçut la dotation du temple, on créa pour la première fois des paroisses, on fonda des pieux, on organisa la Société de Secours, on publia le Livre d'Abraham et l'on reçut d'importantes révélations. Pendant plus de six ans, les saints manifestèrent une unité, une foi et un bonheur remarquables, et leur ville devint un symbole d'industrie et de vérité.
Sacrifices des missionnaires de Nauvoo
Lorsque les saints commencèrent à construire leurs maisons et à faire leurs semailles, beaucoup contractèrent la fièvre paludéenne, maladie infectieuse accompagnée de fièvre et de frissons. La plupart des Douze, et Joseph Smith lui-même, furent malades. Le 22 juillet 1839, la puissance de Dieu reposa sur le prophète et il se leva de son lit de malade. Par la puissance de la prêtrise, il se guérit, lui et les malades de sa maison, puis commanda à ceux qui campaient sous la tente devant sa porte d'être guéris. Beaucoup de gens furent guéris. Le prophète alla d’une tente à l'autre, d’une maison à l'autre, bénissant tout le monde. Ce fut un des plus grands jours de foi et de guérison de l'histoire de l'Église.
Au cours de cette période, le prophète appela le Collège des Douze à aller en mission en Angleterre. Orson Hyde, membre du Collège des Douze, fut envoyé à Jérusalem consacrer la Palestine au rassemblement du peuple juif et des autres enfants d'Abraham. Des missionnaires furent envoyés prêcher partout aux Etats-Unis et dans l’Est du Canada, et Addison Pratt et d'autres reçurent l'appel d'aller dans les îles du Pacifique.
Ces frères firent de grands sacrifices en quittant leur foyer et leur famille pour répondre à leur appel à servir le Seigneur. Beaucoup de membres des Douze furent atteints par la fièvre paludéenne tandis qu'ils se préparaient à partir en Angleterre. Wilford Woodruff, qui était très malade, laissa Phoebe, sa femme, presque sans nourriture et dans un dénuement quasi total. George A. Smith, le plus jeune des apôtres, était si malade qu'il fallut le porter jusqu'au chariot, et un homme qui le vit demanda au conducteur s'ils avaient pillé les tombes. Seul Parley P Pratt, qui emmena sa femme et ses enfants, son frère Orson Pratt et John Taylor n'étaient pas malades lorsqu'ils quittèrent Nauvoo, mais frère Taylor tomba plus tard terriblement malade et manqua de mourir sur le chemin de New York.
Brigham Young était si malade qu'il était incapable de marcher sans aide ne serait-ce qu'une courte distance, et son compagnon, Heber C. Kimball, ne valait pas mieux. Leurs épouses et leurs enfants étaient également alités. Lorsque les apôtres atteignirent le sommet d’une colline non loin de chez eux, couchés tous les deux dans un chariot, il leur sembla qu'ils ne pourraient jamais supporter de laisser leurs familles dans un état aussi pitoyable. A la suggestion de Heber, ils se levèrent péniblement, agitèrent leurs chapeaux au-dessus de leurs têtes et crièrent trois fois: «Hourra; hourra pour Israël.» Leurs épouses, Mary Ann et Vilate, réunirent leurs forces pour se lever et, en s'appuyant à l'encadrement de la porte, elles s'écrièrent: «Au revoir, que Dieu vous bénisse!» Les deux hommes se recouchèrent dans leur chariot, pleins de joie et de satisfaction de voir leurs femmes debout au lieu d'être malades au lit.
Restées sur place, les familles manifestèrent leur foi en faisant des sacrifices pour entretenir ceux qui avaient accepté un appel en mission. Louisa Barnes Pratt explique que quand son mari, Addison, fut appelé à partir en mission dans les îles Sandwich, il fallait éduquer et vêtir ses quatre enfants: «J'allais rester sans argent... Je me sentis d'abord le cœur affaibli, mais je décidai de me fier au Seigneur et d'affronter courageusement les maux de la vie, et me réjouis de ce que mon mari fût considéré comme digne de prêcher l'Evangile.»
Louisa et ses enfants allèrent jusqu'au dock faire leurs adieux à leur mari et père. Louisa écrit qu'une fois qu'ils furent rentrés à la maison, la tristesse s'empara d'eux. Peu de temps après, de violents coups de tonnerre éclatèrent. Une famille, qui vivait en face de chez nous, avait une maison qui prenait l'eau et qui était fragile et peu sûre. Elle vint bientôt chercher refuge au milieu de l’orage. Nous étions reconnaissants de les voir entrer; ils ont parlé et nous ont réconfortés, ont chanté des cantiques, et le frère a prié avec nous et est resté jusqu'à la fin de l'orage[1]
Peu après le départ d'Addison, sa petite fille contracta la variole. La maladie était si contagieuse que tout détenteur de la prêtrise qui rendrait visite aux Pratt courrait un vrai danger, de sorte que Louisa pria avec foi et «réprimanda la fièvre». Onze petits boutons apparurent sur le corps de sa fille, mais la maladie ne se déclara jamais. Au bout de quelques jours, la fièvre était partie. Louisa écrit: «Je montrai l'enfant à quelqu'un qui connaissait la maladie, il dit que c'était une attaque et que je l'avais vaincue par la foi[2]
Les missionnaires qui avaient quitté Nauvoo au prix d'aussi grands sacrifices amenèrent des milliers de personnes dans l'Église. Beaucoup de ces convertis firent également preuve d’une foi et d'un courage remarquables. Mary Ann Weston vivait en Angleterre auprès de la famille de William Jenkins pendant qu'elle apprenait le métier de couturière. Frère Jenkins fut converti à l'Evangile, et Wilford Woodruff se rendit chez lui pour rendre visite à la famille. Il n'y avait que Mary Ann à la maison à ce moment-là. Wilford s'assit au coin du feu et chanta: «Vais-je, par crainte de l'homme, arrêter le cours de l'Esprit en moi?" Mary Ann le regarda chanter et dit plus tard: «Il avait l’air si paisible et si heureux, que je me dis qu'il devait être un homme de bien et que l'Evangile qu'il prêchait devait être vrai[3]
En fréquentant les membres de l'Église, Mary Ann ne tarda pas à être convertie et à se faire baptiser, seule membre de sa famille à accepter le message de l'Evangile rétabli. Elle épousa un membre de l'Église qui mourut quatre mois plus tard des coups reçus d'émeutiers décidés à perturber une réunion de l'Église. Elle s'embarqua seule sur un bateau rempli d'autres saints des derniers jours en route pour Nauvoo, laissant sa maison, ses amis et ses parents incroyants. Elle ne revit jamais sa famille.
Avec les années, son courage et son engagement s'avérèrent être une bénédiction pour beaucoup de gens. Elle épousa Peter Maughan, un veuf, qui colonisa Cache Valley, dans le nord de l'Utah. Elle y éleva une grande famille. Ses enfants, fidèles, honorèrent l'Église et le nom de leur mère.
Les ouvrages canoniques
Au cours de la période de Nauvoo, on publia des écrits qui devinrent plus tard la Perle de Grand Prix. Ce livre contient des passages du livre de Moïse, le livre d'Abraham, un extrait du témoignage de Matthieu, des extraits de l'histoire de Joseph Smith et les articles de foi. Ces documents furent écrits ou traduits par Joseph Smith sous la direction du Seigneur.
Les saints avaient maintenant les Écritures qui allaient devenir les ouvrages canoniques de l'Église: la Bible, le Livre de Mormon, les Doctrine et Alliances et la Perle de Grand Prix. Ces livres ont une valeur inestimable pour les enfants de Dieu, car ils enseignent les vérités fondamentales de l'Evangile et conduisent le chercheur honnête à la connaissance de Dieu le Père et de son Fils Jésus-Christ. D'autres révélations ont été ajoutées aux Écritures modernes selon les directives données par le Seigneur par l'intermédiaire de ses prophètes.
Le temple de Nauvoo
Quinze mois seulement après avoir fondé Nauvoo, la Première Présidence, obéissant à la révélation, annonça que le moment était maintenant venu «d'ériger une maison de prière, une maison d'ordre, une maison pour le culte de notre Dieu, où l'on peut vaquer aux ordonnances, conformément à sa volonté divin[4]». 
Bien que pauvres et travaillant dur pour pourvoir aux besoins de leurs familles, les saints des derniers jours répondirent à l'appel de leurs dirigeants et commencèrent à faire don de temps et de moyens pour la construction d'un temple. Plus de mille hommes firent don de chaque dixième jour de travail. Une petite fille, Louisa Decker, fut impressionnée de voir sa mère vendre ses assiettes de porcelaine et une belle courtepointe comme don pour le temple[5]. D'autres saints des derniers jours firent don de chevaux, de chariots, de vaches, de porc et de blé pour aider à la construction du temple. Les femmes de Nauvoo furent invitées à donner de leur temps et leurs maigres économies pour le fonds du temple.
Caroline Butler n'avait pas le moindre sou à donner, mais elle avait le grand désir de faire quelque chose. Un jour qu'elle se rendait en ville en chariot, elle vit deux bisons morts. Elle sut tout à coup ce qu'elle pouvait offrir pour le temple. Ses enfants et elle arrachèrent les longs poils de la toison des bisons et les emportèrent chez eux. Ils lavèrent et cardèrent les poils et en firent un fil grossier, puis tricotèrent huit paires de moufles, qui furent données aux tailleurs de pierre travaillant sur le temple dans le froid glacial de l'hiver[6].
Mary Fielding Smith, femme de Hyrum Smith, écrivit aux sœurs de l'Église en Angleterre, qui en un an récoltèrent cinquante mille pennies, pesant quatre cent trente-quatre livres, qu'elles envoyèrent à Nauvoo. Les fermiers firent don d'attelages et de chariots; d'autres vendirent une partie de leurs terres et firent don de l'argent au comité de construction. On offrit beaucoup de montres et de fusils. Les saints de Norway (Illinois) envoyèrent cent moutons à Nauvoo au comité du temple.
Brigham Young raconta: «Nous avons travaillé très dur sur le temple de Nauvoo, et pendant ce temps-là, il était très difficile d'obtenir le pain et les autres provisions dont les ouvriers avaient besoin pour manger.» Cela n'empêcha pas le président Young de recommander à ceux qui étaient responsables des fonds du temple de distribuer toute la farine qu'ils avaient, assuré qu'il était que le Seigneur pourvoirait. Au bout de peu de temps, Joseph Toronto, converti récent de Sicile, arriva à Nauvoo, apportant deux mille cinq cents dollars-or, qu'il remit aux frères[7]. Ces économies de frère Toronto furent utilisées pour se réapprovisionner en farine et acheter d'autres fournitures dont on avait grand besoin.
Peu après l'arrivée des saints à Nauvoo, le Seigneur révéla, par l'intermédiaire de Joseph Smith, que le baptême pouvait être accompli pour les ancêtres décédés qui n'avaient pas entendu l'Evangile (voir D&A 124:29-39). Beaucoup de saints trouvèrent un grand réconfort dans la promesse que les morts pouvaient avoir les mêmes bénédictions que ceux qui acceptaient l'Evangile ici-bas.
Le prophète reçut aussi une révélation importante concernant les enseignements, les alliances et les bénédictions que l'on appelle maintenant la dotation du temple. Cette ordonnance sacrée devait permettre aux saints «de s'assurer la plénitude des bénédictions» qui les prépareraient à «venir demeurer en la présence des Elohim dans les mondes éternels[8]». Après avoir reçu la dotation, maris et femmes pouvaient être scellés l'un à l'autre pour l'éternité par l'autorité de la prêtrise. Joseph Smith se rendait compte que son temps sur la terre était compté, aussi pendant la construction du temple commença-t-il à donner la dotation à un nombre choisi de disciples fidèles à l'étage de son magasin de briques rouges.
Même après le meurtre de Joseph Smith, lorsqu'ils se rendirent compte qu'ils devraient sous peu quitter Nauvoo, les saints augmentèrent leurs efforts pour terminer le temple. Le grenier du temple inachevé fut consacré pour être l'endroit de l'édifice où la dotation aurait lieu. Les saints étaient si désireux de recevoir cette ordonnance sacrée que Brigham Young, Heber C. Kimball et d'autres parmi les douze apôtres restèrent nuit et jour dans le temple, ne dormant pas plus de quatre heures par nuit. Mercy Fielding Thompson était responsable de la lessive et du repassage des vêtements du temple et en outre supervisait la cuisine. Elle vivait, elle aussi, dans le temple, travaillant parfois toute la nuit pour que tout soit prêt le lendemain. D'autres membres étaient tout aussi dévoués.
Qu’est-ce qui faisait que les saints travaillaient si dur pour terminer un bâtiment qu'ils allaient bientôt abandonner? Près de six mille saints des derniers jours reçurent leur dotation avant de quitter Nauvoo. En envisageant leur émigration vers l'Ouest, ils étaient renforcés dans leur foi et trouvaient de l'assurance dans la connaissance que leurs familles étaient scellées à toute éternité. Le visage baigné de larmes, prêts à poursuivre leur chemin après avoir enterré un enfant ou un conjoint dans les vastes plaines américaines, ils étaient résolus en grande partie à cause de l'assurance contenue dans les ordonnances qu'ils avaient reçues dans le temple.
La Société de Secours
Pendant que le temple de Nauvoo était en construction, Sarah Granger Kimball, femme de Hiram Kimball, l'un des citoyens les plus riches de la ville, engagea une couturière appelée Margaret A. Cooke. Désirant promouvoir l’œuvre du Seigneur, Sarah fit don de tissu pour faire des chemises pour les hommes travaillant sur le chantier du temple, et Margaret accepta de les coudre. Peu de temps après, quelques voisines de Sarah émirent aussi le désir de participer à la confection des chemises. Les sœurs se réunirent dans le salon des Kimball et décidèrent de s'organiser officiellement. On demanda à Eliza R. Snow de rédiger les statuts de la nouvelle société.
Eliza présenta le texte à Joseph Smith, qui déclara que c'étaient les meilleurs statuts qu'il eût jamais vus. Mais il se sentit inspiré à étendre la vision qu'avaient les femmes de ce qu'elles pouvaient accomplir. Il leur demanda d'assister à une autre réunion, où il les organisa en une Société de Secours des femmes de Nauvoo. Emma Smith, femme du prophète, devint la première présidente de la société.
Joseph dit aux sœurs qu'elles recevraient leurs «instructions par l'intermédiaire de l'ordre que Dieu a créé par l'entremise de ceux qui sont désignés pour diriger». Il ajouta: «Je vous remets maintenant la clef au nom de Dieu, et cette société se réjouira, et la connaissance et l'intelligence se déverseront dorénavant; c'est le commencement de jours meilleurs pour cette société[9]
Peu après la naissance de la société, un comité rendit visite à tous les pauvres de Nauvoo, évalua leurs besoins et sollicita des dons pour les aider. Les dons en argent et l'argent récolté lors de la vente de nourriture et de literie permirent aux enfants nécessiteux d'aller à l'école. Pour aider les nécessiteux, on fit don de lin, de laine, de fil, de bardeaux, de savon, de bougies, de ferblanterie, de bijoux, de paniers, de couvertures piquées, de couvertures, d'oignons, de pommes, de farine, de pain, de biscuits et de viande.
En plus d'aider les pauvres, les sœurs de la Société de Secours adoraient Dieu ensemble. Eliza R. Snow raconte qu'au cours d'une réunion «presque toutes les personnes présentes se levèrent et parlèrent, et l'Esprit du Seigneur, comme un flot purificateur, revigora tous les cœurs[10]». Ces sœurs priaient les unes pour les autres, fortifiaient mutuellement leur foi et consacraient leur vie et leurs ressources à promouvoir la cause de Sion.
Le martyre
Si les années passées à Nauvoo apportèrent beaucoup de bons moments aux saints, les persécutions ne tardèrent pas à reprendre, et leur point culminant fut le meurtre de Joseph et de Hyrum Smith. Ce fut une époque sombre et triste que personne n'allait jamais oublier. Louisa Barnes Pratt, décrivant ses sentiments en apprenant le martyre, note: «C'était une nuit silencieuse, et c'était pleine lune. Une nuit de mort, semblait-il, et tout contribuait à la rendre solennelle! On entendait les voix des dirigeants réunir les hommes et, de loin, cela tombait sur le cœur comme un glas. Les femmes étaient assemblées en groupes, pleurant et priant, certaines souhaitant qu'un châtiment terrible s'abatte sur les meurtriers, d'autres acceptant la main de Dieu dans cet événement[11]
Comme Louisa Barnes Pratt, beaucoup de saints des derniers jours se souvinrent des événements du 27 juin 1844 et se les rappelèrent comme une période de larmes et de profond chagrin. Le martyre fut l'événement le plus tragique des débuts de l'histoire de l'Église. Mais il n'était pas inattendu.
A dix-neuf reprises au moins, en commençant dès 1829, Joseph Smith avait dit aux saints qu'il ne quitterait probablement pas cette vie paisiblement[12]. Il sentait bien que ses ennemis lui ôteraient un jour la vie, mais il ne savait pas quand. A la fin du printemps 1844 et au début de l'été, les ennemis dans et en dehors de l'Église travaillèrent à la perte de Joseph. Thomas Sharp, rédacteur en chef d'un journal voisin et dirigeant du parti politique anti-mormon du comté de Hancock, exigea publiquement l'assassinat du prophète. Des groupes de citoyens, des apostats et des édiles conspirèrent pour détruire l'Église en faisant disparaître son prophète. Thomas Ford, gouverneur de l'Illinois, écrivit à Joseph Smith, insistant pour que les membres du conseil municipal comparaissent devant un jury non mormon pour répondre de l'accusation de perturber l'ordre public. Il prétendait que seul un procès de ce genre satisferait le peuple. Il promit aux homme une protection totale, bien que le prophète ne crût pas qu'il pût tenir son engagement. Quand apparut qu'il n’y avait pas d'autre choix, le prophète, son frère Hyrum, John Taylor et d'autres se laissèrent arrêter, sachant très bien qu'ils n'étaient coupables d'aucun crime. Au moment de quitter Nauvoo pour le siège du comté, qui était à Carthage, à une trentaine de kilomètres de là, le prophète savait qu'il voyait sa famille et ses amis pour la dernière fois. Il prophétisa: «Je vais comme un agneau à l'abattoir, mais je suis calme comme un matin d'été[13]
Lorsque le prophète se mit en route, B. Rogers, qui travaillait à la ferme de Joseph depuis plus de trois ans, et deux autres garçons traversèrent les champs à pied et allèrent s'asseoir sur la clôture pour attendre le passage de leur ami et dirigeant. Joseph arrêta son cheval à hauteur des garçons et dit aux hommes de la milice qui étaient avec lui: «Messieurs, voici ma ferme et mes garçons. Ils m'aiment et je les aime.» Après avoir serré la main à chaque garçon, il monta sur son cheval et reprit la route pour son rendez-vous avec la mort[14].
Dan Jones, converti gallois, rejoignit le prophète à la prison de Carthage. Le 26 juin 1844, derrière nuit de sa vie, Joseph entendit un coup de feu, sortit du lit et se coucha par terre près de Jones. Le prophète chuchota: «Avez-vous peur de mourir?» «Engagés dans une telle cause, je ne crois pas que la mort serait bien terrible», répondit Jones. «Vous verrez encore le pays de Galles et vous remplirez la mission qui vous est destinée avant de mourir», prophétisa Joseph[15]. Des milliers de saints des derniers jours fidèles ont aujourd'hui les bénédictions de l'Église parce que Dan Jones fit plus tard une mission honorable et couronnée de succès au pays de Galles.
Peu après cinq heures, l'après-midi du 27 juin 1844, quelque deux cents émeutiers au visage peint prirent d'assaut la prison de Carthage, tuèrent Joseph et son frère Hyrum et blessèrent grièvement John Taylor. Seul Willard Richards en sortit indemne. En entendant crier: «Les mormons arrivent», les émeutiers s'enfuirent, de même que la plupart des habitants de Carthage. Willard Richards prit soin de John Taylor blessé, tous deux pleurant leurs chefs tués. Le corps de Hyrum était à l'intérieur de la prison, tandis que Joseph, qui était tombé d’une fenêtre, gisait à côté du puits extérieur.
Un des premiers saints des derniers jours à arriver sur place fut Samuel, frère des martyrs. Lui et d'autres aidèrent Willard Richards à préparer les corps pour le long et triste voyage de retour à Nauvoo.
Entre-temps, à Warsaw (Illinois), la famille de James Cowley, qui était membre de l'Église, se préparait pour le repas du soir. Matthias, quatorze ans, apprit qu'il y avait une excitation inhabituelle en ville et se joignit à la foule qui se formait. Le principal orateur vit le jeune Cowley et lui ordonna de rentrer chez sa mère. Des garçons, qui n'étaient pas membres de l'Église, le poursuivirent, lui lançant une grêle de détritus jusqu'au moment où il s'échappa en traversant le jardin d'un voisin.
Croyant que les choses s'étaient calmées, Matthias se mit en route pour le fleuve pour y chercher un seau d'eau. Des émeutiers le repérèrent et payèrent un tailleur ivre pour le jeter dans le fleuve. Quand Matthias s'arrêta pour puiser l'eau, le tailleur le saisit par la nuque et dit: «Sale petit mormon, je vais te noyer.» Matthias dit: «Je lui ai demandé pourquoi il voulait me noyer, et si je lui avais jamais fait de mal? ‘Non, dit-il: Je ne vais pas te noyer... Tu es un brave gosse, tu peux rentrer chez toi’.» Cette nuit-là, les émeutiers essayèrent vainement à trois reprises de mettre le feu à la maison des Cowley, mais grâce à sa foi et à ses prières, la famille fut protégée[16]. Matthias Cowley resta fidèle à l'Église ; son fils Matthias et son petit-fils Matthew furent plus tard membres du Collège des douze apôtres.
Thomas Ford, gouverneur de l'Illinois, écrivit à propos du martyre: «Au lieu de mettre fin aux mormons et de les disperser, comme beaucoup le croyaient, le meurtre des Smith ne fit que les unir plus que jamais, leur donna une plus grande confiance en leur foi[17].» Ford écrivit aussi: «Quelqu'un de doué comme Paul, quelque splendide orateur qui pourra, par son éloquence, attirer les foules par milliers... pourra réussir à donner une vie nouvelle à [l'Église mormone], faire résonner haut et fort le nom de Joseph martyrisé et émouvoir l'âme des hommes.» Ford vécut dans la crainte que cela n'arrivât et que son propre nom, comme ceux de Pilate et d'Hérode, fût «déconsidéré auprès de la postérité[18]». Ses craintes se réalisèrent.
John Taylor guérit de ses blessures et écrivit plus tard un éloge des dirigeants assassinés, qui constitue maintenant la section 135 des Doctrine et Alliances. Il dit: «Joseph Smith, le Prophète et Voyant du Seigneur, a fait plus, avec l'exception unique de Jésus, pour le salut des hommes dans ce monde, que n'importe quel autre homme qui y ait jamais vécu... Il fut grand dans sa vie et dans sa mort aux yeux de Dieu et de son peuple. Et comme la plupart des oints du Seigneur dans les temps anciens, il a scellé sa mission et ses oeuvres de son propre sang, de même que son frère Hyrum. Ils n'étaient pas divisés dans la vie, et ils ne furent pas séparés dans la mort!... Ils ont vécu pour la gloire, ils sont morts pour la gloire, et la gloire est leur récompense éternelle» (D&A 135:3,6).
Succession à la présidence
Lorsque le prophète Joseph et Hyrum Smith furent assassinés à la prison de Carthage, beaucoup de membres du Collège des Douze et d'autres dirigeants de l'Église étaient en mission et étaient absents de Nauvoo. Plusieurs jours passèrent avant que ces hommes ne fussent mis au courant des faits. Lorsque Brigham Young apprit la nouvelle, il savait que les clefs de la direction de la prêtrise étaient toujours dans l'Église, car elles avaient été données au Collège des Douze. Mais tous les membres de l'Église ne comprenaient pas qui allait remplacer Joseph Smith comme prophète, voyant et révélateur du Seigneur.
Sidney Rigdon, premier conseiller dans la Première Présidence, arriva le 3 août 1844 de Pittsburgh (Pennsylvanie). Au cours de l'année précédente, il avait commencé à agir de manière contraire aux instructions de Joseph Smith et s'était écarté de l'Église. Il refusa de rencontrer les trois membres des Douze déjà à Nauvoo et, au lieu de cela, parla à une vaste assemblée de saints réunis pour leur service du culte du dimanche. Il leur parla d'une vision qu'il avait eue, dans laquelle il avait appris que personne ne pouvait remplacer Joseph Smith. Il dit qu'un tuteur de l'Église devait être nommé et que ce tuteur devait être Sidney Rigdon. Peu de saints le soutinrent.
Brigham Young, président du Collège des douze apôtres, ne revint à Nauvoo que le 6 août 1844. Il déclara qu'il voulait seulement savoir «ce que Dieu di[sait]» sur le point de savoir qui devait diriger l'Eglise[19]». Les Douze convoquèrent une réunion pour le jeudi 8 août 1844. Sidney Rigdon parla pendant plus d'une heure à la session du matin. Il rallia peu de monde à son point de vue.
Brigham Young parla alors brièvement, réconfortant les saints. Tandis qu'il parlait, raconte George Q. Cannon, «c'était la voix de Joseph lui-même et il semblait aux yeux du peuple que c'était la personne même de Joseph qui se tenait devant lui[20]». William C. Staines témoigna que Brigham Young parlait avec la voix du prophète Joseph.
«Je pensais que c'était lui, dit-il, et les milliers de personnes qui l'entendirent le pensèrent aussi[21]». Wilford Woodruff se rappelait aussi cet événement merveilleux et écrivit: «Si je ne l'avais pas vu de mes propres yeux, personne n'aurait pu me convaincre que ce n'était pas Joseph Smith, et quiconque a connu ces deux hommes peut en témoigner[22].» Cette manifestation merveilleuse, dont beaucoup furent témoins, montra aux saints que le Seigneur avait choisi Brigham Young pour succéder à Joseph Smith pour diriger l'Église.
Lors de la session de l'après-midi, Brigham Young prit de nouveau la parole, témoignant que le prophète Joseph avait ordonné les apôtres pour qu'ils détiennent les clefs du royaume de Dieu dans le monde entier. Il prophétisa que ceux qui ne suivaient pas les Douze ne prospéreraient pas et que seuls les apôtres vaincraient et édifieraient le royaume de Dieu.
Après son discours, le président Young demanda à Sidney Rigdon de prendre la parole, mais celui-ci préféra se taire. Après un discours de William W. Phelps et un de Parley P Pratt, Brigham Young reprit la parole. Il parla de terminer le temple de Nauvoo, de recevoir la dotation avant de partir dans le désert et de l'importance des Écritures. Il parla de son amour pour Joseph Smith et de son affection pour la famille du prophète. Les saints votèrent alors à l'unanimité en faveur des douze apôtres comme dirigeants de l'Église.
Un petit nombre d'autres prétendirent au droit à la présidence de l'Église mais, pour la plupart des saints des derniers jours, la crise de succession était terminée. Brigham Young, doyen des apôtres et président du Collège des Douze, était l'homme que Dieu avait choisi pour diriger son peuple, et le peuple s'était uni pour le soutenir.

[1] «Journal of Louisa Barnes Pratt», Heart Throbs of the West, comp. Kate B. Carter, 12 vol. (1939-51), 8:229.
[2] «Journal of Louisa Barnes Pratt», 8:233.
[3] «Journal of Mary Ann Weston Maughan», Our Pioneer Heritage, comp. Kate B. Carter, 9 vol. (1958-66), 2:353‑54.
[4] History of the Church, 4:186.
[5] Louisa Decker, «Reminiscences of Nauvoo», Woman's Exponent, Mar. 1909, 41.
[6] «The Mormons and Indians», Heart Throbs of the West, 7:385.
[7] B. H. Roberts, A Comprehensive History of the Church, 2:472.
[8] History of the Church, 5:2.
[9] Procès-verbaux de la Société de Secours des femmes de Nauvoo, 28 avr. 1842, 40.
[10] Procès-verbaux de la Société de Secours des femmes de Nauvoo, 28 avr. 1842, 33.
[11] «Journal of Louisa Barnes Pratt», 8:231.
[12] History of the Church, 4:587, 604; 6:558.
[13] History of the Church, 6:555.

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