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13 juin 2015

Islam: sachons écouter le silence des vrais "innocents

http://www.huffingtonpost.fr/blaise-ndala/innocence-musulmans-video_b_1890189.html?utm_hp_ref=france
Blaise Ndala


Voilà bientôt une semaine que le monde marche sur la tête. Ou alors, c'est moi qui décidément ne comprends rien. Aux libertés, aux religions, à la bêtise humaine. Rien de rien, à la "logique" qui donne du carburant aux sectaires de tous poils, empoisonneurs de l'air que nous respirons, sorciers de l'intolérance.
Quoi, donc ? Un film blasphémateur ? Non, vous n'y êtes pas ! Obscure bande d'annonce d'un film-blasphématoire-qui-n'existe-probablement-pas, tourné dans un salon d'une petite ville près de Los Angeles, par un réalisateur de films pornos, si droit dans ses bottes et ses capotes qu'il n'a même pas été foutu de venir sous les projecteurs assumer son "œuvre" !
C'est quoi, être libre ?
Vous parlez d'une œuvre ? N'ayant rien d'un Federico Fellini ou d'un Ousmane Sembène, je laisse ceux qui savent bien le faire continuer la critique de cet Objet "Acinématographique" Non Identifié. Ce qui me sidère, me met hors de moi, c'est l'engrenage dans lequel nous ont enfermés, de l'intérieur de la citadelle de la déraison par eux érigée sur les rocs de l'intolérance, deux camps. Deux fronts qui, s'ils ne peuvent objectivement s'assembler, se ressemblent affreusement. Otages donc, nous le sommes, des auteurs de "'I'innocence des musulmans", que l'on compte parmi eux un copte égyptien se nommant Nakoula Besseley Nakoula ou que l'auteur secret de l'œuvre ait les traits d'un juif israélien nommé Élie Betizensky, Sam Bacile ou que sais-je. Otages, nous le sommes surtout des "fous de Dieu", de ceux qui répondent aux premiers au son d'"Allah Akbar"!
>> Lire tous nos articles sur L'innocence des musulmans
Allah Akbar, donc. "Dieu est grand", nous disent-ils ? Il se trouve que je ne fais pas partie de ceux qui en douteraient. Ceux qui en doutent, eh bien, ne sont pas ceux que l'on croit ! Ce triste sire de Nakoula, fanatique copte qui en a gros sur le cœur contre l'islam, tout comme son collaborateur le réalisateur Alan Roberts, ne peuvent douter que Dieu, celui des trois religions du Livre comme on dit, ne soit pas grand. Leur acte est inexcusable parce que non soluble dans cette liberté d'expression dont d'aucuns voudraient bien les draper. Ces hommes donc, en s'attaquant de cette manière à la personne du prophète Mahomet, reconnaissent implicitement la grandeur du Dieu dont il se réclame. À tout le moins, celle que confère le privilège d'être au cœur de la foi - quand on a dit foi, on a tout dit - de plus d'un milliard d'individus sur terre. En effet, seul ce présupposé eut donné un sens à leur acte, convaincus furent-il sans doute, de retrouver en face une armée de croyants qui, du fait de cette grandeur intériorisée de l'Entité divine dont le Messager est éclaboussé, voudront nécessairement en découdre avec eux. La campagne tout en flammes qui accompagna naguère les caricatures du même prophète, ils connaissaient. Ils ont voulu monter d'un cran, remettre le glaive là où ça fait mal. Même pas peur, la bande à Nakoula !
Nakoula ? L'intégriste copte s'est terré, jusqu'à ce que le FBI lui mette la main dessus. Il faudra qu'il s'explique de la violation présumée des mesures entourant sa mise en liberté conditionnelle, lui qui fut condamné pour escroquerie bancaire en 2009. Mais pendant qu'il faisait le mort, vers qui l'ire des croyants outrés s'est-elle tournée ? Vers "l'Amérique". Tout ce qui est américain. Du diplomate représentant le pays de résidence de Nakoula en Libye - Nakoula dont je ne sais s'il ne faisait qu'habiter en Californie ou était titulaire d'un passeport américain - à l'employé local de l'ambassade américaine à Tunis. Les "fous de Dieu" voient rouge... Devrais-je dire vert ?
Verts de rage. Ils crient, saccagent, brûlent. Ils tuent. Se font blesser, voire tuer par les forces de l'ordre. Mais il faut dire que pour une dizaine de minutes de blasphème, eux ont choisi de donner leur peau. Au Paradis, ça pourrait rapporter des gains. À leurs victimes, ils ne laissent guère de choix. À elles l'enfer, ici et maintenant ! À la violence des mots et des images charriée par ces 14 minutes versées sur Youtube - ai-je assez dit que cette violence-là, en amont, était inexcusable ? - ils opposent, sans coup férir, celle du feu, de la poudre, du sang. Ils ne supportent pas que l'on touche à leur Prophète tant aimé. Ils disent ne pas permettre que l'on considère leur religion comme autre chose qu'un véhicule de "la paix". À ceux qui, comme Nakoula et Roberts, font semblant d'en douter, ils répondent... par le meurtre, par le sang. Faudrait qu'ils en trouvent, des gens disposés à acheter ces habits neufs de la paix qu'ils essayent de nous vendre !
Dans le silence, le cri de désarroi des "innocents"
Qui paie ? Mon voisin Nabil, le quinquagénaire à l'éternel sourire avec qui je prends mon autobus tous les matins pour le centre-ville d'Ottawa. Il y a une semaine à peine, monsieur me parlait de "la chance que nous avons de vivre dans un pays qui a choisi cette voie du multiculturalisme qui lui réussit", faisant allusion au Canada. Sa peur ? "Qu'à force de voir tout ça, le regard de la majorité change et que l'on croie que nous sommes tous des fous, incapables de raison". Antienne connue, tellement connue qu'on finit par ne plus l'entendre, par oublier les "musulmans innocents", les vrais, victimes souvent sans voix.
Ma peur ? Que dans les sociétés à longue tradition démocratique du Nord, le 11 septembre 2012 à Benghazi, à la suite du 11 septembre 2001 à New-York, accouche de plusieurs Anders Breivik. Petits soldats du fascisme décomplexé, rivalisant avec les "fous de Dieu" des rues arabes dans les feux d'artifice de l'ignoble. Que ces "fous blancs de la pureté des civilisations", une fois leurs crimes commis, revendiqués et assumés, soient portés aux nues non pas par un, mais des dizaines d'écrivains se présentant plutôt bien, tel François Millet de chez Gallimard. Écrivains et intellectuels chargés de nous annoncer, en écho au "choc des civilisations" cher à Samuel Huntington, la déchéance de l'Occident judéo-chrétien "souillé" par les hordes des métèques que nous sommes, au premier rang desquels... les musulmans, tiens !
Quel est son pouvoir, à cet immigrant venu dans ce pays arc-en-ciel voici douze ans, loin de la Kabylie algérienne d'où il a ramené femme et enfants ? À quoi ressemblerait le mien, moi qui abhorre la tunique de la victime et adhère au rejet du "sanglot de l'homme noir", pour paraphraser l'écrivain congolo-français Alain Mabanckou ? Je dois avouer ne pas le savoir. Ce que je crois, par contre, c'est que la liberté d'expression telle que l'ont voulue les pères fondateurs américains, en excluant la criminalisation des atteintes aux droits d'autrui - en l'espèce le droit de pratiquer sa foi religieuse sans autre restriction que celle qu'impose le respect de l'ordre public dans une société démocratique -, fait peser sur le citoyen une responsabilité très grande. Celle-ci consisterait, pour chaque sujet de droit, à se demander si le fait de "pouvoir tout dire" justifie que l'on dise "tout". Et à partir de là, d'agir en bonne intelligence, afin de préserver la paix sociale. Une paix qui, avec Internet, fait imploser la notion de frontière et avec elle, celle de la territorialité du cadre constitutionnel qui sert de bouclier juridique à l'auteur d'un message potentiellement sismique.
Moi, musulman...
Ce que je crois aussi, c'est que l'intolérance - religieuse ou autre - peut certes être combattue par des lois comme il en existe en France et ailleurs en ce qui concerne les garde-fous à la liberté d'expression ; elle n'en reste pas moins immanente à nos sociétés. Y répondre par une volonté farouche de l'anéantissement de l'autre est le moyen le plus sûr de tuer dans l'œuf toute idée de dialogue et partant, tout discours interreligieux fondé sur le respect mutuel.
C'est pour cette raison que, la mode étant depuis la fameuse une de Libération aux références élyséennes, j'aimerais pouvoir dire, à la manière "hollandaise", quelques mots à ceux qui battent et cassent le pavé, de Tunis à Paris. À ceux qui, outrés par le film-blasphématoire-qui-n'existe-probablement-pas, se considérant comme autant de victimes de Nakoula et consorts, voudraient écraser jusqu'à plus soif, les raisins de la sainte colère islamique :
Moi musulman, sachant qu'Allah est le Plus Grand, je lui laisserais en toute humilité la charge de la vengeance, au soir de Son grand jour. Y aurait-il châtiment plus redoutable que le Sien ?
Moi, musulman, j'opposerais à l'insulte et à la lâcheté du blasphémateur non pas l'anathème et la violence qui le conforteraient dans son mépris d'une foi qu'il ne veut cerner ni respecter, mais bien la prière et la compassion qui seules peuvent valoir à l'égaré la faveur rédemptrice du Divin. La prière, cédant le pas au meurtre, aurait-il cessé d'être un des cinq piliers de l'islam ?
Moi musulman, je refuserais de valider le procès en barbarie que me fait, par ignorance ou par condescendance, une frange de l'occident judéo-chrétien, amnésique de ce temps ancien où les conquêtes bénies par Rome ne se faisaient pas la fleur au fusil. Amnésique du passé récent où, outre-Manche, catholiques et protestants utilisaient les mêmes "arguments" que le Hamas palestinien pour régler leurs différends politico-religieux.
Moi musulman, je répondrais à la violence du blasphème par la claire démonstration de ce que "islam" est censé dire : paix.
Mais les anaphores, c'est bon pour les campagnes présidentielles françaises. Les protagonistes de la campagne de la terreur auxquels j'aimerais pouvoir m'adresser ne reconnaissent, hélas, que le son assourdissant de leur monologue. Et puis, les artificiers de cette déferlante haineuse sur fond de violence qui nous prend en otage ne sont ni musulmans, ni chrétiens, ni juifs, ni athées. Ce sont simplement des ennemis de "l'autre", ceux pour qui un monde fait des différences est une prison à laquelle ils veulent mettre le feu, faute de pouvoir s'en évader.
Et qu'on ne me dise pas que la violence religieuse n'est que la continuation de la politique sous une autre forme ; que le fanatisme religieux n'est que le cache-misère de la déraison humaine. Qu'on ne me dise pas que le film anti-islam n'est que l'alibi tant attendu par ceux qui attendu de récolter les fruits des révolutions arabes pour se venger. Se venger des décennies où "le Grand Satan", par tyrans arabes interposés, leur avait réservé un sort peu enviable, à l'image de celui des Frères musulmans.
Car le résultat reste le même : les vrais musulmans, les vais "innocents", n'ont que faire des ressorts qui alimentent cet incessant bras de fer. Le fait est qu'ils en payent quotidiennement le prix et n'aspirent qu'à une chose : qu'on les laisse jeûner en paix !
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