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12 juin 2015

Témoignages de scientifiques (2)

 

Témoignages docteurs - Dr RAMURE Adelin

 
 EXTRAIT

ELEMENTS D'OBSERVATION ET D'ETUDE FAVORABLES À

L'HYPOTHESE D'UNE FORME DE SURVIE DE LA CONSCIENCE

ADELIN RAMURE
Le récit d'Angèle
CIRCONSTANCES DE L’NDE d’ANGELE
Août 1984, début de l'après-midi, quelque part en Provence.
Je profite de cette journée de repos pour effectuer divers travaux de bricolage en souffrance lorsque la sonnerie du téléphone retentit. Angèle, une amie qui demeure à quelques kilomètres, est à l'autre bout du fil. Elle me demande de venir de toute urgence, sans me donner davantage d'explications. Passablement inquiet je laisse tout en plan, me change en vitesse et saute dans ma voiture...
Plongé dans mes réflexions, je conduis en pilotage automatique, sans prêter aucune attention au somptueux décor du parc naturel du Luberon. Tout juste ai-je aperçu un couple de randonneurs écarlates en train de gravir un sentier caillouteux à flanc de colline. L'ombre est rare dans cette partie de la garrigue et je salue mentalement leur courage. La saison s'avère encore prometteuse puisque nous ne sommes qu'au début du mois.
Si l'ambiance estivale est plutôt propice à la bonne humeur, mes pensées, elles, ne se situent pas dans ce registre. Mais alors pas du tout ! La voix entendue à l'autre bout du fil ne me porte guère à l'optimisme. J'ai vu Angèle, il y a une dizaine de jours, chez nous, avec son mari et ses enfants. Elle nous a parlé longuement de ses problèmes professionnels, nous disant qu'elle subissait une pression terrible et qu'elle n'en pouvait plus de devoir être toujours au "top niveau". Depuis, plus de nouvelles.
En partie dissimulé par une végétation un peu plus fournie qu'alentour, le mas de Clément et Angèle ne se laisse deviner qu'une fois passé la courbe de la Grande Fresquière. Protégée des excès du soleil par un escadron de pins majestueux la solide bâtisse est restaurée avec goût. Ancrés dans une paire de piliers gigantesques les battants du lourd portail en fer forgé sont grand ouverts. Je franchis les deux sentinelles de pierre grise dans un léger crissement de graviers et m'engage dans l'allée.
En rangeant la voiture le long de la haie de romarins, j'aperçois Angèle assise à l'extrémité de la terrasse ombragée qui prolonge la bastide. Les fragrances mêlées de romarin, de santoline, de thym et de lavande s'épanouissent dans mes narines. Ces parfums se conjuguent aux puissantes exhalaisons des superbes résineux dont la voûte aérée abrite les répétitions quotidiennes d'une chorale emblématique : après la longue nuit souterraine de leurs premières années, les cigales n'en finissent plus de chanter leurs louanges à la lumière éclatante de cette splendide journée.
Angèle se lève et se précipite vers moi. En proie à une violente crise de larmes, elle se jette nerveusement dans mes bras. Troublées, les choristes font une pause. Le silence qui succède aux stridulations étourdissantes des cigales, de surcroît aussi nombreuses, m'a toujours semblé posséder une profondeur particulière. Au point que j'ai l'impression de crier : " Qu'est-ce qui t'arrive ? Où est Clément ? "
Entre deux sanglots, je comprends que Clément est à son travail. Angèle n'a pas voulu prévenir son mari avant d'avoir remis un peu d'ordre dans ses idées. Ce qui s'est produit est si... époustouflant, tellement incroyable, qu'elle doit d'abord raconter, prendre avis, être rassurée. Elle a pensé à moi en imaginant que je pourrais, eu égard à mon activité professionnelle, lui donner l'explication de ce qui vient de se produire.
Ces derniers temps, je le sais bien, outre la pression dans laquelle ses objectifs professionnels la maintiennent, elle a beaucoup de difficulté à surmonter un épisode dépressif qui continue de l'affecter douloureusement. Pour tenter d'en découvrir les raisons elle a subi quantité d'examens. Aucun n'a permis d'orienter le diagnostic : pas le moindre trouble organique ou fonctionnel. Son état, pense-t-on, doit être consécutif au surmenage et à une accumulation de tous ces stress négatifs engendrés par nos modes de vie ; diagnostic passe-partout auquel a abouti le spécialiste consulté. Cette explication ne l'a pas satisfaite, me rappelle-t-elle en séchant ses joues avec un mouchoir fripé en boule. Aussi s'est-elle adressée à d'autres médecins. Jusqu'à un psychiatre qui, voici peu, a proposé de l'hospitaliser pour une cure de repos alors qu'elle était à quatre jours de ses congés annuels !
Elle désespérait de recouvrer une meilleure santé lorsqu'une amie lui a suggéré de prendre conseil auprès d'un homéopathe installé dans un village voisin. Il avait fait des merveilles pour une tante de son mari, un cas que l'on jugeait pourtant incurable, a-t-elle affirmé. Angèle s'est laissée convaincre. Que risquait-elle, en définitive, à recueillir un avis supplémentaire ? Elle a obtenu un rendez-vous sur le champ, deux jours avant de partir en vacances.
C'est alors qu'elle me raconte le calvaire qu'elle a réussi à cacher à Clément. De quelle façon le charlatan qu'on lui a recommandé l'a déstructurée : " Tu te rends compte ? Je suis allée lui demander de l'aide. C'était un appel au secours. Et lui, il m'a mis la tête sous l'eau... J'étais totalement détruite. Il possède des pouvoirs maléfiques. C'est le diable ! "
Pourtant, m'explique-t-elle après s'être un peu ressaisie, à la suite de la première consultation elle a eu l'impression d'avoir affaire à un homme qualifié, compréhensif et compatissant. Il s'est scrupuleusement informé de ses antécédents médicaux et de son mode de vie, jusqu'à ses préoccupations les plus anodines ; comme les plus intimes d'ailleurs. Il en est venu à la conseiller sur la manière de gérer son existence différemment, esquissant les raisons de son apathie et de son humeur dépressive du moment.
Sous le charme, subjuguée par l'apparente lucidité de son interlocuteur, elle s'est montrée étonnamment réceptive dès cet entretien initial. Progressivement, le propos a fait place à une série de suggestions enregistrées avec une facilité déconcertante ; elle s'en rend compte aujourd'hui seulement. Mais, à ce moment-là, ne se trouvait-elle pas en présence de son sauveur ? Un jugement qui a nettement évolué car elle est désormais persuadée que toutes ses paroles d'alors étaient à double sens. D'après elle, cet homéopathe, en fait un habile manipulateur, est parvenu à incruster des messages ou certaines directives dans son subconscient : " Il écrivait en moi comme sur une page blanche ! "
J'ai pris place dans un fauteuil de jardin et j'écoute, simplement. Je ne sais trop que penser, et surtout que dire. Pour signifier que je comprends la situation, j'acquiesce en hochant la tête.
Après cette première consultation, le visage de cet individu est demeuré omniprésent dans son esprit : " Je le voyais en permanence. Il me parlait et me souriait sans cesse. J'étais envoûtée ! " hurle-t-elle en redoublant de sanglots. Dès son retour de congé, elle s'empresse de prendre rendez-vous. En l'espace de quinze jours, elle consulte quatre fois et téléphone plus souvent encore, ne pouvant se défaire de cette emprise. Elle avoue être devenue un véritable zombie, un automate, qui ne vit que pour son maître et par sa volonté. Cela jusqu'à aujourd'hui. Car, lors de leur ultime rencontre ce matin même, l'instinct de survie d'Angèle s'est soudain manifesté avec force. Les mécanismes d'alerte ont enfin pu se frayer un chemin hors de son subconscient. Ce matin, donc, mister Hyde, comme elle l'appelle avec un sourire douloureux, a déposé sur sa langue trois gouttes d'une mystérieuse préparation. " Pure ", lui a-t-il dit, en précisant qu'il s'agit du même produit que celui contenu dans le flacon qu'il lui remettrait à la fin de consultation.
" Ces trois gouttes, poursuit Angèle, on aurait dit de l'eau ! Puis, je me suis immédiatement sentie partir... J'étais bien, mais j'ai éprouvé un curieux sentiment. C'était bizarre. Il me parlait sans cesse. Je ne me souviens de rien de précis, à part quelques bribes où il me faisait des propositions de nature sexuelle. Pour cela, nous devions nous revoir demain. Et j'étais d'accord ! Chose surprenante car je n'ai jamais ressenti une réelle attirance physique pour cet homme. Ce qui m'attirait chez lui était plutôt d'un autre domaine. Difficile à définir. Peut-être quelque chose d'intellectuel, mêlé d'espoir. Je ne sais pas...
Cet état euphorique n'a pas duré. Très vite j'ai été prise d'un profond malaise. En quittant son cabinet, j'ai lutté contre une espèce de révolte intérieure. Une révolte contre moi-même, pauvre pantin, démunie de toute volonté propre. J'ai eu un mal fou à conduire : je pleurais, je tremblais, ma vue se troublait, mes oreilles bourdonnaient, mes idées étaient confuses. Je me sentais à la limite de l'évanouissement. Et lui, dans ma tête, ne cessait de me répéter que dans la vie il fallait se donner du plaisir, qu'il me guérirait de mes idées noires. Comme d'habitude je le voyais très bien, il était tout à fait présent. Je savais que, une fois rendue à la maison, il me faudrait diluer le liquide du flacon qu'il m'avait remis dans un peu d'eau minérale, jusqu'à hauteur du col, et en prendre cinq gouttes trois fois par jour. C'était la seule chose qui était vraiment claire pour moi à ce moment-là.
Arrivée chez moi j'ai rajouté l'eau minérale dans le flacon qu'il m'avait donné et j'en ai immédiatement pris cinq gouttes. J'étais toujours dans un état de panique indescriptible, ne connaissant qu'un bref répit au cours duquel j'ai cru pouvoir surmonter mon désarroi en pensant à Clément, qui rentrerait tard ce soir. Je l'imaginais à son bureau... J'aurais tant voulu qu'il soit là. Penser à lui me faisait comprendre que quelque chose au fond de moi essayait encore de lutter. Mais lui parler, je crois, aurait été au-dessus de mes forces. Je serais restée muette. J'aurais fait comme à chaque fois, comme si de rien n'était. Car ce maudit mister Hyde m'avait interdit de parler de quoi que ce soit à quiconque.
Depuis ma rencontre avec ce démon j'ai tout de même essayé de lutter. Je m'en souviens. J'ai lutté contre ce sentiment atroce de ne plus vivre normalement dans ma tête. En fait, à la réflexion, je me suis tout simplement livrée chaque jour à des exercices d'adaptation épuisants ; chez moi, au travail et partout où je n'étais pas seule. Ces dernières semaines je n'ai donc survécu qu'en donnant le change. Il y a certes eu quelques brefs moments de semi-lucidité au cours desquels le masque est tombé : " Sois sincère et regarde toi ! C'est pire qu'avant ! Bien pire qu'avant ! " me répétais-je alors.
Tout à l'heure, par exemple, je l'ai dit, j'ai pu mettre à distance pendant un instant cette image qui squattait mon esprit. Un déclic s'est produit et j'ai presque réussi à renouer le lien avec moi-même. J'ai pu voir et mesurer ma souffrance, une fois encore, et peut-être d'une façon plus lucide que je n'y suis jamais parvenue depuis le début de ce calvaire. D'ailleurs, au prix d'un effort surhumain, après une lutte éreintante contre cette force surhumaine qui me réduisait à l'esclavage, j'ai su lui résister. Son visage s'est progressivement estompé. J'ai même pris une décision, irrévocable : je ne me rendrai pas en consultation demain. Plutôt mourir que d'être le jouet de ce monstre !
Hélas, une fois de plus, cette lutte contre moi-même, en moi-même, est demeurée vaine. J'ai constaté peu après, avec effroi, que le visage était revenu. Son visage était toujours là ! Avec ce même sourire indéfinissable. L’œil était dans la tombe et regardait... Angèle. Le sentiment de la victoire a été éphémère.
Son visage ne me quittait plus. Il restait là, juste à côté de moi. Je n'ai pas eu le temps de faire mon ménage avant de me rendre à son cabinet. Et là j'ai fait n'importe quoi pour tenter d'échapper à son omniprésence. J'ai dû passer au moins trois fois le chiffon sur la commode de la chambre de ma fille en déplaçant à chaque fois tous ses bibelots. Heureusement que les enfants étaient au centre aéré pour la journée. J'étais véritablement détruite. Je me sentais tellement impuissante. Cette fois, j'ai eu la certitude d'avoir touché le fond, d'être devenue folle. Depuis que j'ai fait la connaissance de ce personnage malsain, je me suis sentie étrangère à moi-même et à ma famille, coupée de mon rôle de mère et d'épouse. Je pourrais même dire que, de ce jour, ma personnalité s'est progressivement dissoute jusqu'à disparaître complètement. J'ai survécu par procuration, dans un univers parallèle, terrifiant, dont il occupait tout l'espace.
C'est dans ce triste état que j'ai gagné ma chambre. Je me suis allongée sur le lit, les yeux mi-clos, le regard obscurci, perdu dans les brumes laiteuses du plafond. Sur mon visage les larmes ont roulé doucement et ont laissé place en s'évaporant à des chatouillis désagréables. Je n'y ai même pas prêté attention. Je ne luttais plus. Pour tout dire, j'ai eu l'impression que la fin était arrivée. D'ailleurs je commençais à suffoquer. Mon cœur battait la chamade. Il s'est emparé de tout mon crâne. Ses pulsations martelaient mes tempes avec violence. Elles palpitaient douloureusement quand une étrange torpeur s'est emparée de moi : " Les gouttes ! J'en ai pris à l'instant. "
DESCRIPTION DE L’NDE
Puis, comme par enchantement, le visage démoniaque s'est brusquement évanoui. L'instant précédent mon cerveau était la proie d'un tourbillon de pensées dont il était le pourvoyeur exclusif, et là, soudain : chraaak ! la douleur s'est effacée, un voile s'est déchiré, la grisaille s'est éclipsée et a laissé apparaître un tableau différent... Opposé, devrais-je dire : une quiétude inattendue, totale, exceptionnelle. Une sensation de bien-être jamais ressentie. Mes repères habituels se sont évanouis et j'ai existé dans une espèce de néant confortable. Je ne dormais pas et je ne savais même pas si mes yeux s'étaient fermés.
Il s'est produit ensuite une autre cassure. Quelque chose de plus extraordinaire encore et j'ai été brutalement aspirée hors de mon corps. Tu m'entends bien ! Moi... Enfin, la partie de moi qui pense, qui est capable de voir, d'analyser et de comprendre, s'est tout à coup trouvée en dehors de la partie corporelle restée sur le lit. C'est incroyable ! Vraiment incroyable ! En fait ce n'a peut-être pas été aussi brutal. Il y a eu un bref instant de transition, me semble-t-il, où je me suis sentie partir vers le haut ; légère, légère, de plus en plus légère... Cette ascension s'est poursuivie jusqu'au plafond et je me suis retrouvée à côté du lustre, en train de contempler mon corps. Car je me voyais très nettement, là en dessous, allongée sur mon lit et les yeux clos ; je les avais donc fermés.
Ce qui m'a le plus marquée alors, c'est une impression de détachement. C'est le moins qu'on puisse dire. Tu ne crois pas ? Mais je veux parler d'un détachement affectif par rapport à cette carcasse de chair inerte et dérisoire. J'expérimentais ainsi, en toute insouciance pourrait-on dire, un phénomène dont j'étais à mille lieues d'imaginer l'existence. Et, peu à peu, j'ai pris conscience de mon nouveau statut : j'étais devenu esprit ! C'est indéniable. Après un moment de flottement < c'est aussi le mot qui convient >, sûrement nécessaire à mon adaptation à cette nouvelle condition, la question de ma propre mort est venue m'arracher à la douce quiétude qui m'envahissait. Suis-je morte ? me suis-je demandé, incrédule.
Tout le laissait paraître. Il fallait me rendre à l'évidence. Et, tiens toi bien, j'acceptais sans émotion particulière l'idée de mon décès. J'en faisais le simple constat. Comme si cela ne me concernait pas directement ou n'avait pas grande importance. Ma propre mort semblait un événement parfaitement banal. En moi, aucune réaction émotionnelle ne lui faisait écho sauf, à la rigueur, une certaine compassion pour la forme humaine que j'abandonnais. Mais pas de quoi en faire un drame !
C'est alors que j'ai été catapultée dans le cosmos. " Cosmos " est le mot qui convient parfaitement pour désigner l'environnement de ce fantastique voyage : une obscurité totale, silencieuse, constellée d'une myriade d'étoiles. Je filais à une vitesse vertigineuse, attirée par l'un de ces points lumineux. La brillance de celui-ci ne cessait de croître et la pénombre s'effaçait à mesure que ma fulgurante progression me rapprochait du générateur de ce fantastique rayonnement. Je me suis dit : " c'est sûrement ça la vitesse de la lumière ! " Et au même instant tout est devenu lumière. J'étais moi-même imprégnée d'une formidable clarté dorée. Si mon émotivité a été peu sollicitée dans un premier temps, je n'ai rien perdu à attendre. J'allais l'avoir, mon compte d'émotions !
Plus j'approchais de la source lumineuse plus je ressentais une vie, une présence, dans cette brillance mille fois plus puissante que le soleil. Je n'en étais nullement aveuglée pour autant. Intraduisible, inexprimable... Il n'existe aucun mot pour décrire cette lumière et dire le bouleversement qu'elle suscite. Mon intuition ne m'a pas trompée, cette féerie céleste était habitée : deux personnes se sont approchées de moi, nimbées de cette splendide lumière, sans que cette étrange apparition n'éveille de ma part le moindre étonnement. Et pourtant ! Me voici en présence de mon grand-père, disparu depuis huit ans, et de Martine que tu as toi-même connue, une amie tragiquement décédée il y a peu d'années. Tu te souviens d'elle ? Ils paraissaient heureux de me voir, souriants et accueillants, identiques à l'image que j'ai conservée d'eux ; peut-être plus jeunes. Je savais parfaitement qu'ils étaient morts et cette pensée a emporté définitivement ma conviction de l'être également.
Nous avons échangé quelques propos, mais sans que notre dialogue utilise le langage habituel. L'information circulait directement, sans utiliser le canal des sens, de cerveau à cerveau. À propos, avais-je encore un cerveau ? Je veux dire un cerveau en état de marche. Si ce n'était plus le cas, comment pouvais-je utiliser aussi facilement ces facultés télépathiques ? Comment puis-je m'en souvenir aujourd'hui encore ? En tous cas, l'intégralité de nos pensées se révélait instantanément, aux uns et aux autres, claires, parfaitement intelligibles. Je ne me rappelle pas de toute notre conversation et les bribes dont subsiste la trace paraîtraient futiles à d'autres que moi. En revanche, leur désir de me garder auprès d'eux et la perspective d'une existence post mortem radieuse, qu'ils se proposaient de me faire découvrir, demeurent bien ancrés dans ma mémoire.
Mon voyage s'est poursuivi. Mes guides étaient toujours à mes côtés, bien que je ne les voyais plus, lorsque j'ai pénétré, me suis fondue, serait plus juste, dans un embrasement céleste tout aussi indescriptible. Ne souris pas de mon lyrisme, mais c'était tellement fort !
Là, j'ai eu la très nette impression de me retrouver dans un lieu familier, un endroit que j'ai bien connu. Comme si j'étais partie depuis peu de temps et que je revenais chez moi. Depuis peu de temps... Mais qu'est ce que ça veut dire : " peu de temps " ? La notion de durée à laquelle on se réfère habituellement est absente de cette histoire-là. Tout ce que je peux dire, même si je suis incapable de l'expliquer, c'est que j'ai existé dans ce qu'on pourrait appeler une sorte d'intemporalité absolue. Car l'ensemble de ce périple hors de mon corps s'est également déroulé hors du temps. Plus de corps : plus de temps ! De sorte que je me demande si notre perception d'un écoulement temporel ne serait pas une vaste mise en scène. Mais à ce moment-là je ne me suis pas vraiment posé ce genre de question.
J'ai très vite perçu une autre présence. " La Présence ", devrais-je dire. C'est d'elle qu'émanait cette extraordinaire lumière. Une lumière qui me connaissait aussi bien, sinon mieux, que je pouvais me connaître moi-même. Aussitôt, provenant de la lumière, un sentiment d'amour incommensurable m'a submergé. Un raz de marée d'amour tout aussi inexprimable que le reste. De toute façon " amour " est un concept humain trop restrictif pour dire la communion avec ce soleil de bonté et de tendresse. Notre vocabulaire est inapte à rendre compte de telles sensations.
La moindre parcelle de mon existence était connue de la lumière, je le sentais, mais je ne me doutais pas que cela s'achèverait par une sorte de rétrospective critique de ma vie. En effet, sans que je sache de quelle manière, des pans entiers de mon passé se sont mis à défiler devant moi : des événements les plus proches aux souvenirs les plus éloignés de mon enfance. Le plus inouï c'est que j'ai même assisté à ma naissance ! Des scènes plus ou moins prépondérantes, d'autres plus anodines ont resurgi devant moi. Spectatrice de ma propre histoire j'ai pu en mesurer les mérites et les faiblesses.
Cette rétrospective était accompagnée de remarques venues de la lumière. Remarques généralement bienveillantes mais aussi, quelquefois, teintées d'un humour quasi-sarcastique. J'ajouterai tout de même que si je me suis sentie évaluée, je ne peux pas parler d'un véritable jugement. Il s'agissait plutôt d'une auto-évaluation commentée par la lumière, d'un examen de conscience sans la moindre possibilité de tricher. J'ai revu des scènes au cours desquelles je ne me montrais guère à mon avantage. Et c'est peu dire ! Les moins flatteuses pour moi suscitaient de sa part une réaction de moquerie amusée. Je ne dirais pas qu'elle allait jusqu'à rire mais je sentais bien que l'imbécillité de certains de mes comportements l'amusait. Elle souhaitait manifestement dédramatiser ces situations en me faisant comprendre que seule l'ignorance était responsable de tels actes. Elle soulignait à l'occasion les conséquences de ce que j'avais cru être de petites causes, me montrant la disproportion de leurs effets. Dans l'ensemble il y avait de ma part du bon comme du mauvais, mais sans me flatter le positif l'emportait malgré tout.
J'ai vu des images de loisirs récents avec mes enfants, des épisodes de ma vie professionnelle ou familiale. Plus avant dans le temps, c'était la collégienne rêvassant à la fenêtre de sa chambre. Et plus avant encore, vers l'âge de cinq ou six ans, la petite fille qui jouait dans le jardin jouxtant le pavillon. Jusqu'à une scène où j'étais assise sur une chaise haute, en bois verni, dont le souvenir est désormais bien net. Puis, je te l'ai dit, j'ai assisté à ma naissance. En fait, j'y participais. Mais de manière lucide cette fois-ci. C'est vraiment incroyable !
Tu ne peux pas imaginer comme tout cela m'a bouleversée. Car en visionnant ces extraits du film de ma vie je ne devinais pas mes émotions d'alors, je les vivais réellement. Je les revivais ! Ce qu'il y a de plus étonnant, et de plus pénible aussi, c'est qu'il en allait de même pour les émotions manifestées par les autres intervenants présents à ces moments particuliers de mon existence. Je veux dire que je ressentais tour à tour les sentiments d'autrui que mes comportements suscitaient. J'ai même eu la surprise de constater que, dans des circonstances précises, les réactions intimes de certains des protagonistes ne correspondaient pas du tout à celles que je leur avais prêtées sur le moment.
Totalement sereine, et dans un état de béatitude inimaginable, je continuais à flotter dans un univers de clarté époustouflante où la notion de temps, il semblait figé, échappe à toute compréhension. Au diapason de cette inexplicable intemporalité les tranches de mon existence sont perçues instantanément, hors de toute impression de durée. C'est assez difficile d'en rendre compte avec des " mots terrestres ". Ma vie passée ne se présentait pas seulement devant moi en images se succédant dans une chronologie à rebours, comme pourraient le laisser entendre mes précédents propos. Les événements se déroulaient en quelque sorte selon le scénario original mais leur succession remontait le cours de ma vie.
Parfois aussi, là c'est encore plus délicat à expliquer, j'avais l'impression que mon existence entière était étalée sous mes yeux ; indifférenciée dans ses étapes et toujours sans que l'enchaînement des événements paraisse se nourrir de temps. Je sais que c'est complètement fou, totalement incompréhensible, mais cela s'est passé ainsi. Il me semble toutefois que les scènes se succédaient, comme je l'indiquais, de façon que soit mis en évidence un lien de cause à effet. Afin, peut-être, que les conséquences de mes comportements me soient plus claires.
D'ailleurs, pour moi, tout était limpide à ce moment-là. Je comprenais tout avec une incroyable rapidité. Qu'il s'agisse de ma vie ou de la Vie d'une manière plus large. C'est comme si j'avais pu consulter les archives d'une espèce de savoir universel. Pour utiliser un cliché je dirais que je possédais alors la connaissance de la vérité ultime ; c'est du moins le sentiment que j'ai éprouvé. Cela peut sembler prétentieux mais il n'y a pas de quoi en tirer orgueil puisque le souvenir de cet enseignement demeure si flou que je suis bien incapable de t'en dire plus.
Ensuite, la lumière de laquelle émanait toutes ces connaissances m'a demandé si je désirais la suivre. Ce n'était pas un ordre, elle me laissait le choix. Dans l'espace d'un éclair l'image de mes deux enfants a fait resurgir une réalité depuis longtemps oubliée. J'ai immédiatement compris dans leurs regards que mon absence leur serait une injustice inacceptable. Et, en définitive, la responsabilité de cette injustice m'incombait !
La brève pensée que je venais d'avoir pour mes enfants a aussitôt mis un terme à cet épisode d'incomparable félicité. Je n'ai même pas eu le temps de protester de mes devoirs envers eux que la réponse s'est imprimée en moi : " La puissance de ton amour pour tes enfants témoigne d'une volonté à laquelle je ne désire pas m'opposer. " Ou quelque chose d'approchant et de très solennel. La lumière me faisait comprendre qu'elle ne voulait pas rompre un lien aussi fort que celui qui me retenait auprès d'eux. Ces considérations se gravaient en moi par l'effet de ce phénomène télépathique qui avait servi de support à tous les dialogues précédents. Elle acceptait mon choix, qui n'était pas vraiment réfléchi, estimant que mon accession dans ce " paradis " était prématurée puisque ma tâche ici bas n'était pas achevée. J'ai réintégré dans l'instant le corps abandonné sur le lit. Je regrettais déjà ma décision, mais il était trop tard.
J'ignore la durée de mon absence. Quelques minutes ? Qui ont paru des siècles. Mais je garderai toujours en mémoire la profonde amertume de ce retour à la nature humaine et à ses vicissitudes. La lourdeur du corps alliée à ce que j'éprouvais alors comme un engourdissement des fonctions cérébrales, en comparaison des fabuleux pouvoirs dont je venais de faire l'expérience et des connaissances illimitées auxquelles j'avais accédé, m'imposaient une pénible renaissance. Le fragile microbe humain supportait mal la transition. La brutale déception de mon renvoi n'a pas facilité la réadaptation. J'ai alors pleuré comme je ne l'avais jamais fait. Joie et dépit mêlés. Progressivement, j'ai repris contact avec la vie, avec ma vie. La représentation était terminée. Et quelle représentation !
Cela dit, il ne s'agit pas d'une représentation mentale en rapport avec un rêve ou une hallucination. Je ne peux douter un seul instant de la réalité de ce que je viens de vivre. D'ailleurs, après avoir récupéré mon corps j'ai ressenti physiquement, pendant un court moment, cette félicité éprouvée tout au long de mon périple ; et je sais qu'à cet instant précis j'étais bien éveillée. Puis elle s'est rapidement estompée pour laisser place à l'amertume et aux regrets.
L'ensemble du phénomène demeure imprégné de ce même sentiment de réalité. Car lorsque je me réveille avec le souvenir d'un rêve, plus ou moins net en général, je reconnais pleinement celui-ci comme une construction imaginaire. Là, rien d'onirique. J'ai la certitude de m'être vue, morte, allongée sur mon lit, d'avoir rencontré ces deux personnes qui m'ont été si familières de leur vivant et d'avoir voyagé jusqu'à cette lumière qui est la véritable " Source de la Vie ". Sans omettre qu'il m'a été donné de consulter les archives de ma propre existence, alors que je n'avais même plus conscience de tous ces souvenirs.
Je me suis demandé qui serait capable d'entendre une telle histoire. À qui pouvais-je raconter ce fantastique voyage sans passer pour une illuminée ou pour une folle ? Je n'ai pas voulu téléphoner à Clément car, outre cet incroyable récit, je lui aurais porté le coup de grâce en lui dévoilant le véritable rôle de cet homéopathe ; j'en suis d'ailleurs miraculeusement guérie. J'ai tout de suite pensé à toi. Le temps de récupérer un peu et je t'ai appelé. Qu'en pense-tu ? De quoi s'agit-il ? Peux-tu croire que l'âme soit capable de quitter le corps et d'y revenir ? Que nous puissions ainsi survivre à la mort ? "
REACTION CARTESIENNE et ENQUETE
S’agirait-il d’une drogue hallucinogène ? NON !
Vous avez dit bizarre ?
Le phénomène dont on vient de prendre connaissance, bien que transcrit dans un style plus littéraire que le récit original, est en tous points fidèle au témoignage recueilli moins de deux heures après qu'Angèle ait effectué son " voyage ". C'était la première fois que j'entendais une histoire aussi ahurissante. Je ne savais pas du tout ce qu'il fallait en penser, même si Angèle semblait sincère. Je savais encore moins comment y répondre si ce n'est, dans un premier temps, en réconfortant mon amie et en promettant de faire tout mon possible pour lui apporter une explication au plus tôt.
Elle allait d'abord me confier ce fameux flacon. J'en ferais analyser le contenu par Charles, un ami qui dirige un important laboratoire, chez lequel nous devons passer le prochain week-end avec mon épouse. J'étais persuadé que le liquide contenu dans cette fiole était à l'origine des hallucinations d'Angèle. Pouvait-il en être autrement ? Informé des faits Carlito eut la gentillesse de se charger de la tâche. Celle-ci impliquait, entre autres procédures, le recours à une technique d'analyse très fine, la spectrographie en phase gazeuse, permettant d'identifier la moindre molécule suspecte. Mais en raison du surcroît de travail du laboratoire et du traitement prioritaire des urgences, il me demandait un délai de quelques jours à une ou deux semaines au plus.
Angèle accepta que j'informe Hélène, mon épouse, de cette histoire aberrante. Mieux, elle nous invita pour le lendemain soir, pensant que nous ne serions pas trop de trois pour informer Clément et prévenir ses réactions. Au cours de cette soirée, alors que les enfants regardaient la vidéo à l'étage, nous en fîmes donc le récit à Clément, avec les plus grands ménagements. Comme prévu, malgré nos précautions, nous frôlâmes la catastrophe et eûmes beaucoup de mal à le raisonner. En dernier ressort Angèle parvint à le convaincre en lui affirmant qu'elle ne surmonterait pas la publicité qui serait faite à l'affaire pour le cas où il mettrait son projet de représailles à exécution. Insouciant des menaces qui pesaient sur lui, Mister Hyde devait en définitive une fière chandelle à sa victime.
Au cours des jours qui suivirent j'eus l'occasion de discuter plus d'une fois avec Angèle. Nous revînmes à son étrange aventure et ces échanges confirmèrent ses premiers propos, donnant lieu à de nouveaux commentaires. Voici ce que j'en ai retenu :
" Je n'ai aucune preuve formelle de ce que j'avance mais j'ai la ferme conviction d'avoir fait un saut de l'autre côté. Un indice, que je considère personnellement comme une preuve, me fait penser que je n'ai pas rêvé ou déliré : moi qui étais jusqu'alors si effrayée par la mort, je n'ai plus du tout peur de mourir. Ce ne sont pas des paroles irréfléchies. C'est tout simple, je ne vois plus la vie de la même façon. C'est une autre manière d'être présente au monde, d'apprécier ce qui m'entoure, comme si je venais de renaître. Jusqu'ici je me trompais et ne respectais pas suffisamment la vie, sous toutes ses formes.
J'ai bien du mal à digérer cette affaire, à faire le point. Mais je sais maintenant que je vais m'en sortir. Pour cela il me faudra encore améliorer ma relation aux autres et les accepter comme ils sont. Ou m'en détourner, sans les juger pour autant. Ça m'est d'ailleurs un peu plus facile car depuis ce voyage de l'autre côté du décor j'ai l'impression, c'est curieux, de pouvoir discerner instantanément les personnes intéressantes de celles dont la compagnie pourrait freiner mon... évolution. "
Et le mystérieux liquide contenu dans le flacon remis à Angèle ? Comme je l'ai indiqué, cette histoire était si ahurissante qu'elle ne pouvait avoir été induite, à mon sens, que par une drogue psychoactive. J'étais persuadé que l'ingestion d'un puissant psychotrope, quelle que soit la façon dont il avait pénétré dans l'organisme de l'intéressée, demeurait la seule hypothèse envisageable. Au départ je pensais à un cocktail amphétamines1/sédatifs ou, à la rigueur, à un stupéfiant illicite. Dans un cas comme dans l'autre il ne restait qu'à identifier la substance en cause. J'attendais donc avec une certaine impatience les résultats de l'analyse.
Confiant dans mes intuitions je me rendis à plusieurs reprises au service de documentation de l'hôpital qui m'emploie, avec l'espoir de mettre un nom sur le toxique possédant de telles propriétés. Mais hors quelques descriptions recelant de maigres analogies avec le récit d'Angèle, aucune des drogues dont j'avais relevé les effets n'était créditée d'une activité comparable. Il faut savoir que la plupart de ces toxiques, il s'agit de substances synthétiques, produisent des hallucinations d'une totale incohérence. Celles-ci sont entrecoupées de phases stuporeuses ou d'exaltation, responsables de brusques variations émotionnelles. De plus, et c'est capital, le sujet n'accorde aucun statut de réalité à son vécu hallucinatoire.
Une exception, cependant, avait retenu mon attention. La description de certains épisodes hallucinatoires induits par le LSD présentait parfois de franches similitudes avec le phénomène qui motivait ma recherche. Bien que ces similitudes ne concernaient qu'une partie de celui-ci (sensation de légèreté, visions colorées, flashes d'événements passés) j'envisageais tout de même de me documenter plus sérieusement par la suite sur cette drogue. J'en étais là de mes investigations lorsque me parvint la réponse du laboratoire.
Il ne s’agit pas d’une drogue hallucinogène !
Cette réponse mit mes conceptions rationalistes à rude épreuve et me conduisit dans l'impasse intellectuelle évoquée dans l'avant-propos. Car les résultats de l'analyse étaient négatifs : de l'eau et quelques traces de sels minéraux. Rien qui puisse soutenir la thèse des effets d'une drogue. On avait procédé à une double vérification et il n'y avait pas la moindre probabilité d'erreur. Les conclusions du laboratoire étaient sans appel. Il me fallait donc abandonner la piste d'un toxique psychoactif et chercher ailleurs.
Pathologie mentale ? NON !
Peu enclin à souscrire à l'hypothèse d'une pathologie mentale, je sollicitai néanmoins l'avis d'un spécialiste, un psychiatre en l'occurrence. Puisqu'il ne pouvait être question de drogue, celui-ci me suggéra l'éventualité d'un épisode psychotique, une phase dépressive restant un mode d'entrée classique : " On a probablement affaire à une bouffée délirante plutôt atypique, sur fond érotomaniaque... Peut-être que les choses en resteront là et que cela ne se reproduira plus... Mais on ne peut écarter le risque d'une rechute et d'une systématisation avec délire, hallucinations et dissociation de la personnalité. Évolution vers une psychose... "
J'en avais assez entendu ! Cela ne me convenait pas. Ça ne cadrait pas avec le personnage. Je connaissais Angèle depuis trop longtemps et sa santé mentale était satisfaisante. Son vécu dépressif n'était pas vraiment de nature à infléchir cette opinion, même si je n'en faisais pas totale abstraction. Bien sûr, je me rendais compte de ses difficultés à intégrer cette expérience dans son quotidien. Moi-même, à sa place, si cette histoire n'avait rien à voir avec une hallucination, comment aurais-je réagi ? En fait, l'idée que l'on psychiatrise aussi lestement son vécu me mettait mal à l'aise. C'était faire fi de la qualité émotionnelle et des accents de sincérité qui ponctuaient ses propos, avec tout ce que les mots ne parviennent pas à traduire. Des dimensions subjectives, me dira-t-on. Certes, mais j'en avais moi-même perçu l'impact et il m'était désormais impossible de les ignorer.
Je me dois de préciser que, depuis la date du précédent récit, Angèle n'a jamais connu de rechute, n'a jamais présenté la moindre pathologie mentale et encore moins une quelconque " évolution vers une psychose ". Quant au fond érotomaniaque... j'en rigole encore ! Ce n'est pas du tout le type de comportement susceptible d'affecter Angèle, dont la passion exclusive pour Clément tient du sacerdoce.
S’agit-il d’un conditionnement mental ? NON !
Après avoir rejeté ce diagnostic psychiatrique, et à la suite de ma recherche passablement infructueuse sur les drogues, j'en vins à m'intéresser aux états modifiés de conscience ainsi qu'aux techniques de conditionnement mental. C'était peut-être là que résidait l'explication. J'en venais même à me faire une idée assez précise de la méthode utilisée pour conditionner Angèle.
Ces trois gouttes " pures " déposées sur sa langue ? Rien ne permettait d'affirmer qu'elles provenaient, elles, du fameux flacon ! J'étais même loin de le penser. J'imaginais le scénario suivant : dans un premier temps, ce jour-là, mister Hyde avait opéré avec le soutien d'un inducteur actif Ð trois gouttes de LSD par exemple ð en gardant simultanément sa cliente sous le " charme " envoûtant d'un conditionnement verbal orienté vers ses propres fins ; un conditionnement entrepris depuis plusieurs consultations déjà. Tout en prescrivant à Angèle de penser à lui de façon permanente et de n'en parler à personne, ce dont elle se souvient parfaitement, il lui avait également remis un flacon ne contenant qu'un substitut inoffensif : de l'eau tout bonnement. Cette eau agirait comme par mimétisme, supposait-il sans doute, grâce à l'effet de suggestion initial. Et celui-ci avait été décuplé ce jour-là par les trois gouttes de LSD déposées directement sur la langue. Aucun risque donc que l'on découvre quoi que ce soit dans le flacon.
Un sujet au psychisme affaibli, très suggestible donc, venu pieds et poings liés s'en remettre à ses pouvoirs devait être une proie idéale pour un manipulateur aussi pervers. Tout pouvait s'expliquer ainsi. Mon amie avait tout simplement eu affaire à un malade, à un détraqué sexuel, qui avait su museler chez elle toute volonté de lui résister. Ce n'était pas plus compliqué que ça.
Pourtant, bien que ce scénario n'était pas pour me déplaire, beaucoup de choses ne cadraient pas. Du moins en ce qui concernait l'épisode hallucinatoire qui avait suivi. Car, je l'ai signalé, le LSD, comme les autres hallucinogènes dont j'avais alors étudié les effets, ne produit pas de visions et d'émotions vraiment comparables à celles qu'avait connues Angèle. Quant au sentiment de réalité exprimé par la suite, je n'en avais jamais trouvé la moindre mention dans les études consacrées à ce type de drogue. Et que dire encore de la disparition de sa crainte de la mort ? Trois gouttes de LSD, encore moins trois gouttes d'eau, même ajoutées à la manipulation mentale d'un pervers, pouvaient-elles expliquer cela ? Je ne le pensais pas.
EURÊKA !
Vint le jour où le hasard se mit de la partie. Vous avez dit hasard ? Comme c'est... bizarre. Vous y croyez systématiquement, vous, au hasard ? Je veux dire à certains de ces hasards vraiment trop bizarres pour être d'honnêtes hasards... Bref ! À l'occasion d'une mise en ordre de ma bibliothèque, disons qu'une curiosité opportune me poussa à feuilleter quelques pages du livre de Raymond Moody, " La vie après la vie ".
Eurêka ! eut dit Archimède. " J'ai trouvé ! " me dis-je, plus prosaïque, dans une langue qui m'est familière. Je venais enfin de comprendre la signification de ces " cas décrits par Moody " : des allusions relevées çà et là au fil de mes lectures lorsque je m'intéressais aux états modifiés de conscience. Sur le moment, je m'étais effectivement demandé en quoi consistaient ces fameux " cas décrits par Moody ", signalés par divers chercheurs. Mais, à l'époque, je n'avais jamais entendu le nom de cet auteur et j'ignorais absolument tout du thème de sa recherche. Puis, pressé par le temps, j'avais dû remettre à plus tard... pour finir par oublier !
Je ne me rappelais pas avoir acheté ce livre. Me l'avait-on offert ? En tout cas je l'avais rangé sur un rayon au bas de la bibliothèque, sans en avoir parcouru la moindre ligne ; me réservant sans doute de le lire plus tard. Puis, là encore, j'avais oublié ! Décidément, il était écrit, si l'on peut dire, que ce livre ne serait pas ouvert avant que vienne son heure. Vu son titre, je comprenais mieux les raisons de cet oubli : ce n'était pas du tout, alors, mon genre littéraire. Une regrettable négligence puisque j'aurais pu fournir à Angèle un début d'explication dans l'immédiat, ce livre traitant précisément de l'expérience qu'elle avait vécue ; à une nuance près, et de taille : ceux qui la décrivaient avaient échappé de peu à la mort ! Cette négligence avait malgré tout permis au virus du doute de faire son oeuvre. Car, entre le moment où je recueillis le récit d'Angèle et celui de ma trouvaille, ma foi matérialiste avait commencé à donner des signes de faiblesse.
Dès le jour de cette découverte ma recherche prit un tour nouveau. En premier lieu, si ces phénomènes s'avéraient aussi fréquents que l'assurait Moody, je trouverais forcément d'autres personnes ayant vécu ce genre d'expérience. Il me faudrait donc, si possible, en interroger quelques-unes afin de comparer la teneur de leur récit avec celui d'Angèle. Cela aurait au moins pour effet de la rassurer à propos de sa santé mentale, plus encore que ne le ferait la seule lecture de cet ouvrage au titre un peu racoleur.
Ayant créé une association dont l'objet était d'étudier ces phénomènes et d'en diffuser l'information, je mis à profit la publicité qui m'était offerte à cette occasion par un grand quotidien régional. Je recueillis ainsi d'autres témoignages qui vinrent démontrer, sans aucune ambiguïté, que les vécus de cette sorte sont beaucoup plus répandus qu'on ne l'imagine. Parallèlement je me procurai quantité de publications sur le thème, dans la perspective d'approfondir mon étude. Enfin, à partir du mois de mars 1997, la diffusion de mon livre sur Internet m'offrit de nombreux contacts avec des personnes ayant vécu une expérience semblable à celle d'Angèle.

 


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