12 juin 2015
CONTRE/Linceul (3)
Zetetique - Ray Rogers a trompé... |
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http://www.zetetique.ldh.org/suaire_rogers.html
« Suaire » de Turin :
Comment Ray Rogers a trompé ses lecteurs. Dossier réalisé par Patrick Berger Janvier 2005, rebondissement de l´affaire du « suaire » de Turin.
Fidèle à son principe de retour aux sources, la démarche zététique réclame de prendre le problème à la racine. Une lecture de l´article de Ray Rogers et une analyse critique de ce papier s´imposent.
Datation par la vanilline
La première partie de l´article de Rogers présente la méthode et les résultats d´une datation par la vanilline des différentes fibres que l´auteur avait en sa possession dès 1979. Ray Rogers procède à une analyse comparative de la présence ou non de vanilline dans les fibres en sa possession. La vanilline est une des molécules présente dans la lignine que l´on peut observer sous forme de dépôts sombres au niveau des nœuds de croissance des fibres (photo microscope à l´appui). Pour détecter la présence de ladite molécule, Rogers réalise un test binaire à l´aide d´un indicateur coloré. Ce test est négatif pour les fibres prélevées sur l´ensemble de la surface du « suaire » en 1978. Mais surprise : le test est positif pour les fibres issues de l´échantillon découpé par Raes en 1973 et à côté duquel sera découpé l´échantillon C14. Ce test est aussi positif pour la toile de Hollande, tissu ayant servi de doublure de renforcement au « suaire » après l´incendie de 1532. Preuve est donc faite, pour Rogers, que les fibres issues de l´échantillon Raes (et donc celle de l´échantillon C14) sont différentes de celles du reste du « suaire ».
L´auteur exploite alors cette différence pour estimer l´âge de la relique à partir d´une loi donnant la variation du taux de vanilline au cours du temps. En admettant que le seuil de détection de la molécule est constant, il en déduit que le « suaire » est bien plus ancien que ne le prévoit la thèse du « faux médiéval ». Suivant cette thèse, les fibres du « suaire » auraient dû conserver 37% de leur vanilline pour un tissu datant au plus de 1260. Les fibres issues de la toile de Hollande donne ainsi un résultat positif au test. Qu´en est-il alors pour le reste du « suaire » ? Calculs faits, le tissu original daterait grossièrement de 1300 à 3000 ans avant nos jours . La thèse de l´authenticité de la relique est sauvée ! Analyse d´un revêtement coloré des fibres
La deuxième partie de l´article de Rogers étudie la composition possible d´un revêtement jaune-brun que l'auteur observe à la surface des segments de fils tirés de l´échantillon Raes et de l´échantillon C14 (en sa possession depuis peu). Intérêt de l´affaire : ce revêtement n´est pas observé par l´auteur sur les fibres issues du reste du « suaire ».
Au final, Rogers entend avoir démontré que la portion de tissu prélevée pour la radiodatation appartient à un rapiéçage ingénieux datant du Moyen Age tandis que l´étoffe originale pourrait très bien dater du début de notre ère.
La porte resterait-elle ouverte à la thèse de l´authenticité du « suaire » ? Pas si sûr...
Origine des fibres étudiées
Premier point surprenant, pour qui connaît l´affaire, le protocole de datation C14 de 1988 précise bien que l´emplacement du prélèvement de tissu à analyser était éloigné « de tout rapiéçage ou de toute zone carbonisée » (2). Et c´est en présence de témoins aux origines diverses que fut réalisé ce prélèvement : des membres du clergé (le cardinal Ballestero, Mgr Caramello, etc.), un membre du STURP (Giovanni Riggi qui a procédé à la découpe), un expert en textiles (Gabriel Vial) et des scientifiques comprenant des représentants des trois laboratoires indépendants ayant à réaliser la datation. Cette multiplication du nombre et de la qualité des témoins n´était pas anodine : elle permettait de s´assurer que les différentes clauses du protocole étaient bien respectées.
Quid de l´origine des fibres étudiées par Rogers ? Ce dernier nous en précise la provenance dans son article :
Qui est donc le Pr. Luigi Gonella ? Il s´agit d´un physicien de l´université polytechnique de Turin, conseiller scientifique de Mgr Caramello, évêque de Turin et gardien officiel de la relique. En comparaison de la nature des protagonistes de l´expérience de radiodatation de 1988, il est frappant de constater qu´en dehors de personnes proches de l´Eglise, personne ne peut attester de l´authenticité et de la bonne conservation des fibres dont Rogers s´est servi pour ses analyses. En d´autres termes, la thèse du rapiéçage est pour le moins... extraordinaire.
Présente-t-elle pour autant des preuves plus qu´ordinaires ? Comparaison n´est pas raison
Les preuves apportées par Ray Rogers consistent en une comparaison de fibres d´origines différentes. Les fibres prélevées sur l´ensemble sur « suaire » sont toutes des fibres superficielles du tissu. Elles ont toutes été arrachées à l´aide d´un ruban adhésif. Les fibres des échantillons Raes et C14 proviennent, en revanche, de segments de fils entiers tirés de découpes du tissu. Admettre que ces fibres doivent être identiques, faute de quoi il est prouvé qu´elles ne proviennent pas d´un même tissu, revient à confondre l´écume des vagues avec la mer.
Même si les fibres superficielles et les fils du tissu doivent avoir des caractéristiques communes, leurs propriétés de surface n´ont aucune raison d´être les mêmes. Ainsi, il n´est guère surprenant que Rogers ne trouve aucun enduit de gomme arabique sur les fibres superficielles arrachées par adhésif. Au cours de son histoire, le « suaire » a été l´objet des différentes manipulations comme lors de ses ostensions en public (en plein air pour certaines). Il a aussi été aspergé d´eau lors de l´incendie de 1532. Et le revêtement coloré identifié par Rogers comme de la gomme arabique est soluble dans l´eau (1). En suintant, ce revêtement va par capillarité au cœur et en surface des fils du tissu et non à la surface des fibres dépassant de ces fils. Il est donc tout à fait naturel que les fibres superficielles ne présentent pas le revêtement identifié par Rogers.
Détection de la vanilline
Il n´en va pas de même pour la détection de la vanilline. Rogers précise d´ailleurs qu´il observe des dépôts de lignine aux nœuds de croissance des fibres quelle que soit leur provenance. Il rappelle que la vanilline est une des molécules entrant dans la composition de la lignine. Cette composition est variable au cours du temps. Elle est aussi fonction des conditions physico-chimiques.
Néanmoins, cette erreur de chimie analytique, surprenante de la part d´un chimiste, prête à peu de conséquence pour la méthode de datation proposée par ce dernier.
Une méthode de datation inédite !
Le test de Wiesner pour la lignine est tout de même positif pour les échantillons Raes et C14 alors qu´il ne l´est pas pour les fibres superficielles du « suaire ». Si le chimiste Rogers s´est mépris sur le caractère unique de la molécule en jeu, les calculs de datation qui suivent n´en sont pas pour autant invalidés par cet argument. Regardons de plus près ce que vaut cette méthode de datation… inédite ! Car il s´agit bien la d´une méthode totalement nouvelle. L´auteur ne cite aucune référence antérieure et aucun laboratoire de datation au monde ne propose une telle méthode. Pour preuve, cette page web du ministère de la culture (5) qui rappelle les différentes méthodes classiques de datation employées en histoire et en archéologie : thermoluminescence (pour les matériaux cristallins), carbone 14 (pour les matières carbonées comme celles issues du règne du vivant), dendrochronologie (pour les matériaux en bois), etc. Nulle trace d´une datation à la vanilline / lignine !
Si cette méthode de datation est totalement inédite, elle doit apporter de sérieuses garanties de sa fiabilité. à titre de comparaison, il a fallu attendre 1983 et une étude menée par quatre laboratoires coordonnés par le British Museum pour s´assurer que la nouvelle technique de mesure du C14 par spectroscopie de masse était parfaitement fiable. Quelles garanties apporte donc Ray Rogers ?
Données sources indisponibles, marges d´erreur absentes et vérification a minima du modèle cinétique : l´article de Rogers ne répond donc à aucune des exigences minimales d´une publication scientifique.
Le rôle de la température
Si Rogers ne fournit aucune donnée source, il indique en revanche la valeur de la constante cinétique de la réaction d´ordre 1 de dégradation de la « vanilline ». Il est alors possible de reprendre et pousser plus avant les calculs de datation menés par l´auteur.
La constante cinétique s´écrit k = 3,7.1011.exp(-123800/8,314T).
En l´absence de marge d´erreur, on pourra prendre au minimum les erreurs d´arrondies.
La fréquence d´Arhénius s´écrit donc : Z = 3,7.1011 ± 0,05.1011 s-1. L´énergie d´activation s´écrit : E = 123800 ± 50 J. Enfin on prendra pour la constante des gaz parfaits une valeur plus précise : R = 8,31448 J.K-1.mol-1. L´incertitude relative due à l´arrondi de la valeur de E est de l´ordre de l´ordre 10-4. Elle n´est cependant pas négligeable car elle intervient dans une exponentielle. Calculs faits, les durées obtenues sont assorties d´une incertitude allant jusqu´à 3,5%. En pratique, ce sont les incertitudes sur la température qui sont prépondérantes : augmenter la température d´exposition de 1°C revient à diminuer le temps nécessaire à la perte de la « vanilline » de 15% ! Le tableau ci-dessous précise le temps nécessaire à la disparition de 95% de la « vanilline » en fonction de la température. Ce taux de 95% est celui choisi (sans justification) par Rogers comme seuil de détection du test de Wiesner. C´est à partir de ce pourcentage qu´il déduit la plage d´âge 1300-3000 ans pour le « suaire ».
Ce tableau illustre la très forte dépendance de la méthode de datation employée par Rogers en fonction de la température : de 25°C à 10°C, le temps de disparition de la « vanilline » va du simple au décuple.
Mais le résultat le plus intéressant apparaît aux températures élevées. Il suffit de quelques secondes à 300°C pour faire disparaître totalement la « vanilline » (en réalité les réactifs du test de Wiesner). À 400°C et au-delà , cette disparition est quasi instantanée.
Rogers rappelle à juste titre qu´en 1532, le « suaire » a été pris dans un incendie de la chapelle où il était conservé. Il fut heureusement extrait de sa chasse d´argent qui commençait à fondre, les treillis de fer portés au rouge.
La température de fusion de l´argent est de 960°C et celle du fer est de 1535°C. Voilà qui donne un ordre de grandeur de la température des gaz incandescents dans la chapelle (environ 1000°C). Toute fibre du « suaire » qui aurait été portée à ces températures aurait perdu immédiatement sa capacité à réagir au test de Wiesner. Rogers rappelle alors que le lin est très mauvais conducteur de chaleur. Mais c´est justement pour cette raison que les parties superficielles du tissu ont toutes les chances d´être touchées tandis que le cœur de fils constituant la toile n´a été que peu affecté par l´incendie (exception faite, bien entendu, des parties du linge ayant été brûlées). La nature des fibres que Rogers a analysées se révèle ici un élément de première importance. Il permet de rendre compte des différences observées par le chimiste. Un article relu par les pairs ?
Comparaison sans raison de fibres d´origine distincte, erreur de chimie analytique, absence de données sources et de référence bibliographique, absence de marges d´erreur sur les valeurs numériques, choix arbitraire de valeur seuil pour le test de Wiesner, absence de prise en compte des phénomènes de surface, etc. Face à tant d´erreurs ou de manque de rigueur scientifique, il convient de se demander si l´article de Rogers a bien été relu par ses pairs avant publication.
Un autre élément laisse penser que ce n´est pas le cas : sur les trois équations que contient l´article, on compte deux coquilles très visibles et une simplification non justifiée...
Conclusion
Raymond Rogers a réussi à publier un article dans une revue scientifique sans que celui-ci soit manifestement relu par d´autres chercheurs. Analysé en profondeur, cet article nous apprend une seule chose : les fibres de surface du « suaire » ont été plus abîmées que celles du cœur du tissu. Une dernière question est donc laissée à la sagacité du lecteur : cela vaut-il la peine de refaire une radiodatation du « suaire » sur la base d'un résultat des plus ordinaires qui ne remet nullement en cause la datation de 1988 ?
P.B.
(1) R.N.Rogers, « Studies on the radiocarbon sample from the shroud of turin. », Thermochimica Acta, 425 (2005), p. 189-194.
Consultable sur le site www.sciendirect.com (3) F.Pomar, F.Merino & A.Barcelo, « O-4-Linked coniferyl and sinapyl aldehydes in lignifying cell walls are the main targets of the Wiesner (phloroglucinol-HCl) reaction. », Protoplasma, 220(1-2) (Springer 2002), p.17-28
Voir l´abstract. (4) C´est le cas, par exemple, des coniféryl aldéhydes : E. MacCrady, « The nature of lignin », Alkaline Paper Advocate, 4-4 (1991)
(5) Méthodes de datation classiques rappelées par G.Querré et E. Porto du laboratoire de recherche des musées de France :
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Zetetique - Médiatisé/démystifié |
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Le suaire de Turin médiatisé et démystifié
Malgré la datation au carbone 14 en 1988 qui faisait du suaire une oeuvre du Moyen-Age et mettait ainsi fin à la croyance au linceul de Jésus-Christ, la controverse reprend...
Il est rare qu’une entreprise de démystification fasse l’objet d’une médiatisation
Les sceptiques et rationalistes s’en désolent souvent : le surnaturel a meilleure presse que la raison. Or, une affaire agite actuellement presse et chaînes télévisées, et il se trouve qu’elle sert une bonne cause. Le suaire de Turin revient en force sur le devant de la scène : une conférence assortie d’une expérimentation de l’historien et zététicien Paul-Éric Blanrue, au Museum national d’histoire naturelle, répond à une nouvelle contre-enquête des sindologues, rallie les suffrages journalistiques, et rebondit de façon heureuse dans plusieurs médias. Canal + s’en fait l’écho dans sa Matinale de mercredi 22 juin, et se fait piquante pour ceux qui restent vissés à cette croyance du linceul du Christ. Le Monde relate l’événement dans un article signé Hervé Morin du 23 juin, et se met du côté sceptique sans ambiguité. La conférence de monsieur Blanrue fut soutenue par le mensuel Science & Vie, lequel consacre près de 10 pages à la vérité sur le suaire dans son numéro de juillet.
La revue ouvre ce dossier en s’interrogeant sur la fascination qu’exerce la relique de Turin sur certains scientifiques
« Le caractère sacré de celle-ci aurait-il le pouvoir d’impressionner la science au point de lui faire oublier ses propres vertus ? » Le ton est donné et les rationalistes s’en félicitent : Science & Vie se positionne du côté des sceptiques et du côté des scientifiques qui laissent cette fascination hors de leur champ d’étude. La radiodatation au carbone 14, réalisée par trois laboratoires différents (Suisse, Royaume-Uni et États-Unis) avait pourtant tranché en 1988 : le linceul de lin a moins de 800 ans. Pourtant une étude récente, publiée dans Thermochimica Acta en janvier 2005, affirme que les prélèvements faits en 1988 étaient sans doute des pièces raccommodées du suaire, donc postérieures au restant du linceul. Le chimiste Rogers, auteur de l’article, a analysé le taux de vanilline, spécifique aux fibres de lin, du suaire. Sur un morceau prélevé pour la datation officielle le taux est nul, alors que sur d’autres endroits, il en existe. Pour Rogers, c’est la preuve que les pièces qui ont été testées au carbone 14 sont des pièces rapportées. Le reste de l’étoffe ne présente pas selon lui le taux de vanilline qu’on attendrait d’un tissu du Moyen-Age. Mais pour le directeur du centre de datation par le radiocarbone de l’université de Lyon, Jacques Evin, la diminution de la vanilline n’est pas régulière dans le temps et dépend trop des conditions d’humidité et de température pour être un critère utilisable. D’autres scientifiques se joignent à lui pour dénoncer les faiblesses de l’article de Rogers : absence de données-source, coquilles dans les formules mathématiques, marge d’incertitude non prise en compte, et pour clamer haut et fort la fiabilité de la datation au carbone.
N’empêche, cet article a semblé redonner vigueur aux croyants en l’authenticité du suaire
Et d’abord aux sindologues, qui ont inventé « la sindologie », dispcipline réductrice qui n’étudie que le linceul et veut « faire science ». Ils réaffirment que le suaire a des qualités miraculeuses : il résiste à la chaleur, à l’eau, et à certains acides. Mais des essais menés par Henri Broch et Joe Nickell ont montré que de la gélatine ajoutée à l’oxyde de fer (la gélatine était connue au Moyen-Age pour être un fixant des couleurs), riche en collagène, lui permettait de résister à toutes les agressions, à l’immersion dans l’eau et dans plusieurs acides, ainsi qu’à la chaleur. La technique faussaire de la fabrication de l’image du Christ, qui permet de lui faire subir les tests sans dommage fut expérimentée pendant la conférence de Paul-Eric Blanrue au Museum. D’autres signes forts plaident en faveur d’un faux : le lin du suaire est tissé d’une façon particulière avec un métier à quatre marches qui n’apparaît que tard, au VIII e siècle. Et les traces de stigmates sont trop parfaites pour être vraies : la torture subie aurait dû laisser des marques plus floues, plus déchirées.
Science & Vie regrette, dans sa conclusion, que l’authenticité du suaire parvienne encore à s’ériger en dogme
L’auteure de ce dossier, Isabelle Bourdial, y insiste sur « la nécessité de s’en tenir à la science », comme pour une ultime incitation à la clairvoyance. Mais la petite phrase la plus percutante revient à Paul-Éric Blanrue : « Il n’est visiblement pas facile de placer sa spécialité scientifique au-dessus de ses croyances. »
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Zetetique - Miracle ou imposture ? |
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Miracle ou imposture ? L’histoire interdite du « suaire » de Turin
Paul-Eric Blanrue. Éditions Golias, 1999, 270 pages.Note de lecture d’Igor Ziegler - SPS n° 241, mars 2000
Ou le monde magique des faussaires de faux suaires...
L’histoire commence il y a fort longtemps lorsqu’une petite église collégiale de la région de Troyes décida, dans le cadre d’un plan marketing savamment élaboré, d’attirer massivement les fidèles. Comme l’époque montrait un goût particulier pour les reliques, il fut décidé de faire créer, sur une pièce de lin, une image du corps du Christ telle qu’il aurait pu apparaître au sépulcre.
Cette étoffe fut dans un premier temps exposée en tant que « représentation » mais rapidement les chanoines laissèrent se répandre l’idée qu’il s’agissait du vrai linceul du Christ.
L’archevêque de Troyes intervint dans cette affaire pour que la supercherie ne perdure pas. Il fit appel au roi de France qui tenta, sans succès, de faire saisir l’étoffe. Puis un rapport fut envoyé au pape pour dénoncer ce qui devenait peu à peu une véritable escroquerie. Dans une bulle assez peu véhémente, Clément VII interdit tout de même que l’on introduise la moindre ambiguïté quant à l’origine artistique de l’œuvre.
Ce premier acte se déroulait dans la seconde moitié du XIVe siècle. La pièce de tissu aurait alors dû être rangée au rang de « peinture figurative gothique ». Mais l’épopée de ce qui allait devenir le « suaire » de Turin n’avait pas encore véritablement commencé. Elle devait durer, comme nous le savons, encore plus de 600 ans et nous est joliment comptée par Paul-Eric Blanrue dans son livre Miracle ou imposture ? L’histoire interdite du « suaire » de Turin.
Abondamment documenté, l’ouvrage reprend dans le détail et fait évidemment rarissime pour ce qui concerne les textes sur le sujet - sans concession à la vérité, tous les éléments d’analyse technique et historique relatifs au « saint suaire ».
Le lecteur non hostile à cette étude rationnelle du « linceul » ressortira incollable sur le sujet. Loin des salmigondis extravagants des sindonologues (appellation dont se parent ceux qui étudient le « suaire » pour en démontrer l’authenticité), il pourra expliquer (à ceux qui voudront bien l’écouter) à l’aide de quelles techniques il fut probablement réalisé, comment il fut volé, comment d’une simple icône il est devenu « le linceul original », quel a été son parcours, comment le XXe siècle (grâce, en particulier, aux photos de Secondo Pia) l’a en quelque sorte ressuscité, pourquoi il rappelle partiellement les négatifs photo, comment l’Église a contourné la datation au carbone 14 de 1988 (datation fatale) pour en faire désormais un « objet impossible » etc.
Paul-Eric Blanrue revient aussi sur quelques erreurs de proportions qui semblent grossières : l’avant-bras gauche de même que les phalanges de la main gauche sont beaucoup trop longs ; de même, l’un des pieds est peint « à plat » ce qui implique que la jambe devrait être pliée, or elle ne l’est pas. Ces fautes sont troublantes en regard du soin apporté par l’artiste à la réalisation picturale (soin reconnu par tous y compris par l’archevêque de Troyes en 1389).
Blanrue indique que, selon lui, le dessin du « linceul » est issu de l’empreinte d’un bas-relief (certains scientifiques qui ont étudié de près le tissu penchent pour une peinture très diluée qui expliquerait par ailleurs l’absence de trace de pinceau). Est-il possible que les erreurs de proportions ou de position de l’image aient été tout d’abord faites sur une sculpture (où elle auraient à mon sens été plus voyantes) avant d’être reportées sur la toile ?
Cette question relève évidemment de la « finition » car devant l’écrasante démonstration de Paul-Eric Blanrue on réalise à quel point la foi des sindonologues soulève des montagnes d’aberrations. Ici, nous rappellerons avec l’auteur qu’une approche critique de cet objet ne constitue en rien un dénigrement de l’Église catholique ; pour cause, ce sont dans un premier temps les autorités catholiques qui ont dénoncé l’imposture.
En paraphrasant le professeur Hall du laboratoire d’Oxford, nous dirons qu’après la lecture de l’ouvrage de Paul-Eric Blanrue, ceux qui veulent encore croire à l’authenticité du « Suaire » le peuvent - mais qu’ils débattent avec ceux qui sont convaincus qu’il n’y a jamais eu d’emplois fictifs à la mairie de Paris, à la MNEF ou au conseil général de l’Essonne.
Donc précipitez-vous tel linceul homme sur cet ouvrage sans vous demander à quoi ça suaire !
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